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Critique de beatriceferon


L'inspecteur van der Valk est soudain dépassé par un véhicule qui roule à vive allure. Quelques mètres plus loin, c'est l'accident. Trop tard pour le conducteur, mais van der Valk sauve la passagère. Cette Lucienne, à laquelle il s'est, en quelque sorte, attaché, il la croisera de temps en temps.
Il est ensuite englué dans le train-train quotidien. Aussi a-t-il l'attention titillée par un banal incident qui sort pourtant de la routine. Une luxueuse voiture semble abandonnée dans une belle avenue, clefs sur le contact. Il a beau sonner à la porte de la maison devant laquelle stationne cette Mercedes, personne n'ouvre. En pénétrant dans l'habitation, il trouve le corps d'un homme poignardé. Mais aucune trace de son identité.
C'est en consultant mon programme de télévision que je remarque une nouvelle série « Les enquêtes du commissaire van der Valk ». Elle m'intéresse parce que le personnage a l'air hors norme et le cadre est la ville d'Amsterdam. Il n'y a, pour le moment, que trois épisodes, mais, comme ils m'ont beaucoup plu, je me renseigne. Peut-être existe-t-il des livres que je pourrais lire ? J'apprends ainsi que l'auteur, Nicolas Freeling, dont je n'avais jamais entendu parler, est britannique et non hollandais. Son premier métier est la cuisine, c'est par hasard qu'il s'est lancé dans l'écriture, créant un personnage récurrent, le flic atypique qu'est van der Valk.
Mais je ne suis pas au bout de mes surprises. Nicolas Freeling est loin d'être un jeune auteur ! Il est né en 1927 et il est... mort en 2003 ! Quoi ? Ce n'est qu'aujourd'hui qu'on adapte l'oeuvre d'un écrivain disparu depuis dix-sept ans ? J'apprendrai donc que ses livres ont connu un grand succès et ont déjà été portés à l'écran de 1972 à 1992. Aujourd'hui, on en lance une série modernisée.
Malheureusement pour moi, les ouvrages traduits sont tous épuisés depuis longtemps. C'est alors que je repère, dans la liste proposée par Masse critique, « Frontière belge », paru en 1965. Les éditions de l'Archipel ont eu la riche idée de le rééditer.
Je suis curieuse de voir où cette histoire va me mener. le héros (on ne donne jamais son prénom) me semble assez jeune, il est encore inspecteur.
On n'entre pas d'emblée dans le vif du sujet. Nicolas Freeling nous fait sentir, au travers d'un humour assez ironique, l'atmosphère d'une Amsterdam bien différente il y a cinquante-cinq ans (!) de ce qu'elle est aujourd'hui : « Toutes les rues de ce quartier portent des noms de fleurs et le quartier lui-même fut baptisé "Le Jardin" par Napoléon. Plaisanterie, car c'est un quartier populeux où vivent les véritables Amstellodamois – des gens pauvres, car ils sont trop roublards pour travailler et vivent d'expédients, à l'esprit plus vif et à la langue mieux pendue que partout ailleurs en Hollande. » Hum. Pourrait-on encore écrire ce genre de choses de nos jours où tout est soigneusement laqué d'un vernis politiquement correct ? Plus loin, Bruxelles offre « commerce florissant et vulgarité envahissante sous la patine d'une grande bourgeoisie médiévale ». Quant aux Français, ils ont « l'accent pointu ».
Van der Valk s'ennuie entre vol à la tire et altercation opposant des Hollandais et de jeunes Italiens. Aussi saute-t-il sur quelque chose qui sort de l'ordinaire : cette Mercedes blanche, décapotable, garée n'importe comment dans l'Apollolaan. (De nos jours, il n'y aurait pas eu d'enquête. La voiture aurait été désossée en vingt minutes!)
Ce n'est pas l'intrigue policière qui m'intéresse. On comprend assez vite qui est le coupable. Non, ce qui me captive, c'est la recherche de l'identité de cette mystérieuse victime. Ce sont les déambulations de van der Valk. C'est son attitude surprenante. Ce sont les histoires à l'intérieur de l'histoire, la psychologie fouillée des personnages.
Avant de lire quelques explications à propos de l'auteur, moi aussi, j'avais le sentiment de m'être plongée dans un roman à la Simenon. Tout comme Maigret, van der Valk applique la célèbre sentence « Comprendre et ne pas juger ».
Cela m'a plu de remonter le temps, de retrouver un peu de mes jeunes années : nous passions des vacances à Ostende, il y avait encore des frontières avec des douaniers qui disaient : « Vos papiers ! » et poursuivaient des trafiquants s'adonnant à la contrebande.
Nicolas Freeling esquisse des descriptions étonnantes et terriblement visuelles, telles que ce « plat à fromage jaune, apparemment taillé dans un bloc de savon, d'une forme qui évoquait une vache morte et ballonnée », ou cette femme qui « ressemblait à une créature aquatique, délavée par des années de séjour à des centaines de mètres de profondeur salée. »
La troisième partie est racontée par le narrateur extérieur, mais qui adopte, cette fois, le point de vue d'un des protagonistes. C'est celle que j'ai le plus appréciée et je n'ai pas pu lâcher le live avant de l'avoir terminée. On découvre le caractère entier et sincère d'un personnage confronté aux vicissitudes de la vie, à la duplicité, aux faux-semblants, au jeu des apparences, aux mensonges. C'est poignant et très réussi.
J'ai donc beaucoup aimé ce roman. Si seuls les techniques modernes, recherches d'ADN, traçage de GPS, torrents de sang, serial killer et poursuites échevelées vous intéressent, passez votre chemin. Si, comme moi, vous aimez prendre votre temps, flâner dans des villes brumeuses, faire la connaissance de personnes atypiques, n'hésitez pas. Cet ouvrage va vous plaire.
Je remercie donc de tout coeur l'Opération Masse critique et les éditions de l'Archipel de m'avoir offert ce voyage dans le passé.
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