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Critique de HundredDreams


« Un roman, on ne sait jamais d'où ça sort, il suffit d'une émotion, du bruit d'un mot, la lumière d'une vallée entrevue de la fenêtre d'un train. »

Le choix d'une lecture également. Il suffit d'un rien.
Il m'a suffi d'une couverture, d'un peintre que j'aime, René Magritte.
Il m'a suffi d'un des plus beaux tableaux de l'artiste, « L'empire des lumières ». Rêve, mystère, entretenus par le jour et la nuit qui se font face.
Il m'a suffi d'une émotion, d'un souvenir, d'un titre, d'un mot en particulier. L'automne.
Après deux belles journées à la campagne, promenades matinales avec mon père, beauté de l'automne qui s'installe, se parant de beaux habits chatoyants.
Quoi de plus normal que de vouloir prolonger cette ambiance automnale et chaleureuse.

Avant de lire « Dernier arrêt avant l'automne », je ne connaissais pas les écrits de René Frégni.
Mon envie de lire cet auteur m'est venue des critiques d'amis babéliotes. Je les remercie infiniment, j'ai aimé l'écriture de l'auteur, ses magnifiques descriptions de paysages de l'arrière-pays provençal, ses idées humanistes.

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Dans ce roman, nous rencontrons un homme simple, discret, solitaire, mais généreux en amitié.
Auteur en mal d'inspiration, il accepte de devenir pour quelques temps, le gardien jardinier d'un monastère inhabité et isolé, niché aux creux des collines.
Aussitôt, il tombe sous le charme de cette vieille bâtisse envahie par les mauvaises herbes à qui il redonne sa beauté d'entan. Il goûte les plaisirs d'une vie simple et contemplative, savourant la solitude, le calme et le travail de la terre.

« Comment n'avais-je pas choisi plus tôt la vie de moine, seul dans un monastère oublié, égayé seulement par les petits bonds gracieux et incessants d'une pelote blanche. »

Le soir, avec pour seule compagnie un jeune chaton tout blanc qu'il a adopté, il se laisse envahir par la beauté sereine et mystérieuse du lieu, ses odeurs, le silence et cherche à noircir les pages blanches de son cahier.

« On croit avoir tout oublié, on allume une lampe, on se penche sur un cahier et la vie entière traverse votre ventre, coule de votre bras, de votre poignet dans ce petit rond de lumière, un soir d'automne, dans n'importe quel coin perdu de l'univers. »

*
J'ai été conquise par l'écriture de René Frégni, les mots choisis, leur musicalité flirtant avec la poésie.

« J'écoute cette forêt tout autour, elle respire, palpite, frémit, s'égoutte des pluies de la nuit. Mon pas craque, quelque chose détale, s'envole, une branche délestée fouette le feuillage. Je n'ai jamais été entouré d'une telle qualité de silence. »

Le récit est mélancolique, pareil à l'automne, éclat de lumière aux tons chauds.
Le récit est mélodieux, pareil au murmure du vent dans les arbres.
Le récit est feutré comme un ciel de brume.
Le récit est délicat comme l'hiver recouvrant la forêt de son beau manteau de neige.
Le récit se fait silence, instant de quiétude, de douceur, de paix.

« J'avais autour de moi les plus beaux paysages du monde et personne n'en voulait. Je n'avais besoin que de silence et beauté. »

Au fil des pages, les magnifiques descriptions révèlent l'amour de l'auteur pour la nature.

« J'ai travaillé jusqu'à ce que le soleil disparaisse. le ciel était soudain comme la gorge des pigeons. le vert jouait avec le violet, le bleu avec le gris. Comme les plumes de cet oiseau, des roses extraordinaires glissaient, flambaient, s'éteignaient, allumaient d'autres gris sous le ventre des nuages, embrasaient d'un coup la crête noire de forêts immenses. »

Le lecteur ressent son besoin de retrouver un équilibre, une harmonie, une vie plus simple et moins matérielle.

« J'avais grimpé au coeur d'un arbre et je regardais, ébloui, la féerie du monde. Qui aurait pu se douter, face à tant de beauté, à l'intelligence si parfaite de toutes ces couleurs, à cette explosion de vie, que nous avions rendu en quelques années cette planète malade ? Il y a cent mille ans, des hommes avaient regardé comme moi, peut-être perchés dans des arbres, ce spectacle grandiose. Étions-nous trop prétentieux, trop bêtes, pour dédaigner ainsi cette beauté, pour la saccager ? »

*
Je me suis laissée envelopper par la belle voix de René Frégni, la tendresse de son regard, la légèreté des mots, la grâce de ce lieu retiré du monde, le chant de l'automne, les parfums délicats de la forêt, la douceur du soleil, la tiédeur des vieilles pierres, la présence réconfortante de cette petite boule de poils, les souvenirs d'êtres chers disparus.

« Un jour, on se met à écrire, pour entendre la voix lointaine de nos mères. Lorsque j'écris, j'entends la voix de la mienne. Elle me lisait le soir, devant le poêle à charbon de notre cuisine, des livres qui me faisaient rêver, pleurer, découvrir le monde… Je n'entends sa voix que lorsque j'écris, dans le silence de la page blanche. Les mots que je trace lentement m'enveloppent de sa tendresse, de son regard profond, de la douceur de sa petite veste de coton rouge, contre laquelle je m'endormais. »

*
Mais soudainement, cette tranquillité est brisée par la découverte d'une jambe déterrée par des sangliers dans l'enceinte du cimetière.
Le décor change instantanément, et le monastère se transforme en un lieu sombre, lugubre et tourmenté, entouré d'une forêt inhospitalière.
Le roman qui, jusque là, était contemplatif et méditatif, devient intrigue policière.

*
Finalement, « Dernier arrêt avant l'automne », est un beau roman, simple, lumineux, chaleureux, empreint de poésie et de tendresse. Il a une saveur toute particulière, celle d'un bon pain traditionnel tout juste sorti du four, à la croûte généreuse et croustillante.
Roman d'amour et d'amitié, laissez-vous tenter par le « Dernier arrêt avant l'automne » si vous ne connaissez pas encore René Frégni.
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