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Critique de Deleatur


Expérience étonnante que d'enchaîner sur René Frégni après Une vie française de Jean-Paul Dubois. Les deux récits possèdent à vrai dire quelques points communs qui poussent au parallèle : le lien d'un fils avec sa mère mourante, et le lien de ce même homme avec sa propre fille, tandis qu'à l'arrière-plan la femme aimée sort de sa vie pour toujours.
Mais là où Dubois pond 400 pages d'un babil superficiel qui ne m'a guère touché, ainsi que je l'ai dit ici même récemment, Frégni met quant à lui son lecteur groggy en une centaine de pages à peine.
Cela finit par devenir une habitude dans mes billets mais il n'y a aucune raison de le cacher : c'est en fréquentant Babelio que je me suis intéressé à Frégni et que l'on m'a donné envie de le lire. Si Elle danse dans le noir était mon premier, je peux assurer qu'il y en aura d'autres.
Frégni, c'est en somme la démonstration que la littérature n'a pas besoin de grands mots, et qu'elle est aussi forte par ce qu'elle dit que par tout ce qu'elle tait ou sous-entend. le texte est écrit dans une langue de tous les jours, on ne trouve pas la moindre ostentation dans ces phrases simples, mais quelle force transfigure cette écriture !
Un autre point commun entre Dubois et Frégni est que l'on se situe plus ou moins dans une sorte d'autofiction. Là encore, la comparaison tourne cependant court assez vite : quand Dubois virevolte à donner le tournis et disserte avec une complaisance qui gâche ses beaux élans, Frégni serre les dents et retient sa plume, pour faire sentir à merveille tout le grain d'une vie, ses rugosités, ses emballements, le socle d'émotions et de sensations sur lequel elle est bâtie. Frégni ne joue pas à l'écrivaillon. Il m'a même fait comprendre pourquoi j'avais toujours eu cette réticence à me proclamer écrivain malgré les quelques milliers de livres que j'ai vendus dans ma petite carrière d'auteur. Il le dit vers la fin de son roman : « Se faire un sang d'encre, c'est peut-être cela écrire, tracer des mots pour contenir son sang. Les écrivains sont des loups blessés qui laissent derrière eux une trace de souffrance ». Voilà, c'est simplement magnifique. Et je mesure maintenant que la distance qui existe entre un écrivain et moi est la même que celle qui sépare le loup blessé du cocker neurasthénique. Bref, je vais me contenter d'être un auteur, c'est déjà pas mal. René Frégni, lui, est un écrivain.
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