AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Pavlik


Le Malaise dans la Civilisation est un des rares ouvrages de Freud où il déplace ses concepts du champ analytique au champ social. Ainsi, même ses plus fervents contradicteurs peuvent éventuellement y puiser quelques réflexions intéressantes. Par ailleurs, comparé à d'autres de ses oeuvres, sa lecture est relativement aisé.

Petite parenthèse, on traduit parfois le titre du livre par le Malaise dans la Culture (en allemand Das Unbehagen in der Kultur), mais c'est bien de la civilisation (à la limite au sens de société) que Freud souhaite nous parler.
La culture, notion qu'il aborde dans son essai, y est vue comme un outil dont la société use pour assurer sa propre cohérence. Elle a deux finalités : protéger l'homme de la nature et réguler ses relations inter-personnelles. Pour Freud elle est avant tout un carcan nécessaire. Carcan car elle est basée sur du renoncement pulsionnel (on gros pour vivre ensemble on doit renoncer à pouvoir faire ce qui nous chante). C'est pourquoi certains individus manifestent de l'hostilité à son encontre, car ils éprouvent des difficultés à renoncer. En effet, dans le développement d'une personne son but ultime est le plaisir, l'insertion dans un groupe n'étant qu'un moyen. Au contraire, dans le processus culturel la finalité est la création et le maintient de la communauté, le plaisir des individus devenant secondaire. Cette cohésion est transmise par tout un discours, que l'on peut qualifier de morale et qui prend place, dans l'organisation psychique proposée par Freud, dans le Surmoi, symbolisé par le père (en tant que fonction) et qui se transmet de génération en génération. le Surmoi est donc un puissant héritage culturel qui, au même titre que le savoir et la connaissance, évite à l'humanité d'avoir à tout recommencer du début à chaque fois.

Mais la simple coercition par la morale, les interdits, ne suffit pas pour assurer la survie de la civilisation. La société doit être en mesure de proposer des satisfactions substitutives aux pulsions : par le travail qui, lorsqu'il est librement consenti, est un moyen très efficace ou encore en permettant l'investissement dans des activités artistiques, scientifiques, dans lesquelles l'homme peut se réaliser. Cependant le moyen définitif de maintenir la cohésion sociale se situe, pour Freud, au-delà du simple intérêt économique, puisqu'il s'agit de l'amour. Si l'Eros, la pulsion sexuelle, est l'ennemie de la civilisation ce n'est pas le cas de l'amour "platonique", ce qu'il nomme l'amour inhibé quant au but. le problème est qu'aimer l'autre n'est absolument pas naturel pour les êtres humains, animés de leurs pulsions libidinales et destructrices. D'où les discours religieux, du type "aimez votre prochain comme vous même". L'équilibre de la société est donc précaire, secoué en permanence par les soubresauts de la lutte entre pulsion de vie et pulsion de mort, source du malaise. Au final il n'est pas inenvisageable pour Freud, qu'à terme, la civilisation finisse par s'auto-détruire.

D'une certaine façon, le Malaise dans la Civilisation est un aveu de faiblesse de la part de Freud. Lui qui, avant la boucherie de la grande guerre, se faisait le chantre du caractère unique et personnel de l'inconscient (s'opposant sur ce point à Jung, qui voyait dans les différents textes sacrés l'expression d'un inconscient collectif), face à l'ampleur de la catastrophe se voit contraint de déplacer ses concepts de pulsion de vie et pulsion de mort sur le champ social. Autrement dit, je ne suis pas certain qu'il l'aurait fait sans l'avènement de la première guerre mondiale. D'un autre côté, on aurait également pu lui reprocher de rester sourd aux turpitudes de l'histoire s'il ne l'avait pas rédigé.

En résumé, cet essai bien construit et relativement accessible est, paradoxalement, une bonne porte d'entrée à l'oeuvre de Freud et porte la réflexion au delà des simples concepts psychanalytiques.

Commenter  J’apprécie          312



Ont apprécié cette critique (28)voir plus




{* *}