L'Intelligence intime

Cet homme a du plaisir, certes, mais sans partage, sans connexion avec sa partenaire. Ni l’un ni l’autre n’éprouvent de joie à faire l’amour ensemble. Une autre cliente me raconte se sentir mal après s’être masturbée. Elle le fait rapidement, en quelques minutes, allant le plus vite possible à l’orgasme pour libérer son stress, ses tensions. Puis elle renfile immédiatement son pantalon et passe à autre chose.

Étymologiquement, le mot « jouir » vient du latin gaudere , qui signifie se réjouir, profiter, goûter, savourer . Là est toute l’essence de la jouissance. Le mot évoque un état de joie. La joie est l’émotion du sens de la vie. Nous, humains, avons le besoin profond que nos expériences aient du sens… aux différents « sens » du terme. Sur le plan directionnel, nous savons où nous allons et pourquoi. Nos actions et gestes, dans la vie de tous les jours, comme dans la sexualité, ont une raison d’être. Ils portent une certaine valeur dans la sexualité lorsqu’ils nous rapprochent de notre partenaire, créent de l’intimité, permettent de partager de l’amour, du respect, de la tendresse. Ou lorsqu’ils nous permettent d’être plus profondément connecté·e à nous-même. Ou encore lorsqu’ils sont faits en conscience et présence, en portant attention à nos sens physiologiques, nos ressentis.

Souvent, ce n’est pas le sexe que nous ne désirons pas mais plutôt les mets au menu, la manière de faire l’amour, ou le contexte dans lequel la sexualité est vécue. Une chose est certaine, personne n’a envie de sexe sans plaisir, personne n’a envie de se sentir objet au service de l’autre, en insécurité, et encore moins obligé·e. Mais tout le monde a envie de se sentir connecté·e, aimé·e, de lâcher le contrôle et de se délecter de plaisir, de vivre quelque chose d’extraordinaire.

L’idée même d’une caresse éveille en nous de la chaleur, une tension vers l’avant qui donne envie d’aller à la rencontre de cette expérience ; notre sexe s’engorge et L’idée même d’une caresse éveille en nous de la chaleur, une tension vers l’avant qui donne envie d’aller à la rencontre de cette expérience ; notre sexe s’engorge et un sentiment de tendresse et de joie emplit poitrine, gorge, visage, ventre, jambes, jusque dans les pieds. Cette sensation d’anticipation, de désir, c’est notre marqueur.

Lorsque nous portons une belle fraise à nos lèvres, que nous la croquons et que son jus emplit notre bouche, les arômes fruités et sucrés, pleins de vitamines et de soleil, ravissent nos papilles. L’information est instantanément transmise aux régions du cerveau impliquées dans le système de la récompense. Celui-ci est composé d’un circuit neuronal engageant l’activation de plusieurs zones du cerveau, et qui aboutit à la libération de la dopamine – le messager chimique du plaisir.

Consentir à un rapport sexuel n’est pas suffisant. Consentir signifie autoriser, donner son accord, accepter que quelque chose se fasse. Ma gorge se noue à l’idée de rapports sexuels acceptés, mais non désirés. Combien de personnes ont déjà vécu ce type de situation ? Nous avons dit « oui », mais en avions-nous envie ? Mesurons à quel point une relation sexuelle à laquelle nous avons dit « oui » sans en avoir envie est traumatisante.

« Quand on fait l’amour et que ça ne me va pas, j’aimerais lui dire que je veux arrêter, mais je n’y arrive pas, les mots ne sortent pas de ma bouche. Je me sens comme figée », me dit Samantha. Parfois, nous avons peur de la réaction de l’autre si nous disons « non ». Or on ne peut accéder à un vrai désir si un refus mène à une dispute, à des reproches ou à de la violence. Un rapport sexuel sans consentement, sous la menace, par la force, par la contrainte ou par la surprise est un viol.

Certains blocages viennent du passé. Parfois nous bloquons car nous avons vécu un abus, sexuel ou non, qui nous a traumatisé·e et maintient notre corps dans un état d’alerte alors que le danger est depuis longtemps passé (ici). Mais très souvent, comme pour Samantha, la difficulté vient du fait que la sexualité proposée au menu n’est pas appétissante ! Dans notre culture de la performance, voir notre corps refuser de se conformer à une norme est vécu comme un problème – quand bien même cette norme ne lui conviendrait pas. Nous avons l’impression que nous devrions, par exemple, accepter d’être pénétré·e sans aucune préparation ni lubrification, et aimer ça !

Pour elles, sexualité est souvent synonyme d’obligation, de douleur, de peur, de frustration, de honte, d’anxiété, de tabou, de violence ou de résignation. Une cliente me dit : "Je ne veux plus subir la sexualité. Je trouve horrible de penser cela, mais je suis anxieuse à chaque fois que mon mari s’approche de moi. "

Je ne savais pas que je pouvais trembler, être électrisée comme par une décharge à haute puissance. Je ne connaissais pas l’état de transe, le sentiment d’être transportée par l’expérience. Même si j’aimais le sexe, je ne soupçonnais pas la joie incroyable que la sexualité peut apporter. Ni à quel point la sexualité pouvait être ressourçante et épanouissante pour moi.