Je nous ai attendus si longtemps

J’ai la sensation que si je parle de lui, de nous, je n'aurai plus le contrôle sur cette histoire. Tant que je suis la seule à la connaître, j'en maîtrise les faits, les versions, les mensonges. Je choisis également le moment où je veux en parler. Si je lui en parle, je l'autorise à me poser des questions à tout moment, à me demander de ses nouvelles. Si je lui en parle, j'ai le sentiment que le souvenir ne m'appartiendra plus.

Puis Vincent a fait son entrée dans ma vie. Ce n’est pas que j’ai oublié Maxime, c’est simplement que j’ai oublié d’y penser.

Devant la fenêtre, le bureau sur lequel je révisais faiblement mes leçons accueille désormais la machine à coudre de ma mère. Cette pièce est le reflet d’une époque qui n’existe plus vraiment, quelques traces seulement d’une enfance sage et d’une adolescence des premières fois.

J'imagine que les premiers amours ont toujours la saveur de l'eau salée, du sable chaud, des soleils couchants après le repas, des fêtes foraines, des glaces à la fraise.

_Quand on pense à voix haute, me souffle mon père, c'est que nos pensées sont devenues trop encombrantes pour notre esprit, et qu'il est temps de les partager.

Je n’ai pas reçu d’autres messages de sa part de la semaine. J’ai fini par ne plus y penser au travail, comme un rêve étrange que l’on fait et qui s’évapore le temps passant.

Emma | p. 243

Jusqu’à un point virgule. Je t’aime jusqu’à la lune. Je t’aime jusqu’aux étoiles. Je t’aime jusqu’à trois mètres au-dessus du ciel. Non. Moi je t’aime jusqu’à un point virgule.

Je crois qu'il y a un âge où l'on réalise enfin les opportunités que nos parents nous ont offertes, le cocon qu'ils ont créé autour de nous.

Maxime me parle de son père avec des larmes jamais pleurées. Elles sont contenues à l'intérieur. Il s'est montré fort au début, si fort que les paupières ont gardé la forteresse et ont empêché toute sortie. De l'extérieur, le château est beau, les murailles hautes et épaisses. De l'intérieur, il est inondé.

La journée se passe sans vague, sans bruit. C'est ce que j'aime avec la comptabilité, sa stabilité, sa constance. Un nombre d'un côté, les autres dans une colonne secondaire, le tout s'équilibre. Il n'y a pas de place pour la subjectivité, l'appréciation personnelle.
C'est juste ou ça ne l'est pas, un point c'est tout.