Hugo et les secrets de la mémoire ou comment apprendre pour la vie

En prologue à ma critique, je tiens à brosser le tableau de la façon dont ce livre a été abordé pour bien remettre les choses dans leur contexte :
Déjà familier de Hugo avec Hugo et les rois être et avoir, que j'ai eu le loisir de découvrir et faire assimiler à ma fille de 6 ans, j'attendais pas mal de ce nouvel opus ; alors lorsque Babelio et l'éditeur m'ont proposé de le découvrir, c'était de joie que j'ai sauté. J'avais été enchanté par l'approche et le fait de voir que ma fille pourtant encore au CP, à cette époque là, avait bien compris et retenu les choses. Aujourd'hui, ma fille va entrer au CE1 tous les concepts utilisés en exemple dans les exercices de Hugo tels que la poésie à apprendre, comprendre, et réciter, ou le système solaire, par exemple, elle les a déjà pratiqué sérieusement, voire quotidiennement, durant l'année scolaire écoulée.

Déception, profonde déception, c'est mon sentiment principal par rapport à ce livre.

Déception, d'abord, par rapport à la méthode proposée.
Rien de bien novateur, je dirais même que certains schémas sont bien trop rigides pour apporter une base concrète pouvant suivre durant toute la vie... Étant moi-même un auto-didacte depuis très jeune (langues, programmation, mathématiques, je n'ai jamais rien retiré des enseignements scolaires que cela soit ceux supérieurs ou de plus bas niveau, mais j'ai au contraire assimilé les connaissances et leurs applications bien avant qu'ils me soient enseignés à chaque fois...), j'espérais trouver en ce livre un moyen d'expliquer à ma fille les concepts d'apprentissage réel, à l'opposé de ceux enseignés par les programmes de l'éducation nationale, étant bien en peine, moi-même, de les expliquer en me mettant à sa portée...
Au final, j'ai presque l'impression d'avoir apporté, avec cet ouvrage, à ma fille plus de mauvaises bases que de bonnes...

Déception, ensuite, par rapport à Hugo.
Que Hugo soit présenté comme un enfant en difficulté pour faire ressentir à l'enfant la progression apportée par la méthode, d'accord, c'était déjà le cas dans le précédent ; mais ici le trait est bien trop poussé, l'enfant n'est pas en mesure de s'identifier au héros à moins de se sentir complètement largué dans ses études... Hugo est victimisé, présenté comme un échec du système, un enfant qui serait, déjà à son âge dans l'état d'esprit dans laquelle se trouverait un adolescent en échec scolaire au collège déjà en route pour un BEP ou CAP... Que des enfants de primaire (auxquels s'adresse ce livre normalement...) ressentent leur situation scolaire ainsi, c'est plutôt rare... Dès les premiers exercices, on parle de niveau CE1, et on voudrait ici que les enfants comprennent l'état d'esprit dans lequel un élève peut se trouver après avoir été péniblement tiré sur la route après une dizaine d'années de système scolaire classique...
Il y a clairement une erreur dans la narration du héros, un manque de prise en compte de la cible, ou une orientation bien trop prononcée vers ceux mis en échec par le système avant même le collège ; et ils restent encore une minorité, heureusement, notre système éducatif n'étant plus du tout à jour, mais cherchant quand même à adapter ce qu'il peut au mieux, ce n'est pas au primaire que se ressent l'échec le plus souvent.

Déception, enfin, par rapport à la propagande à peine cachée.
Une propagande anti-technologie, anti-modernité qui fustige aussi bien l'informatique que la technologie de la vie de tous les jours, une propagande qui condamne le progrès. On a l'impression de lire un manifesto des plus extrémistes des écologistes condamnant la technologie dans son ensemble et prônant un retour au 18ème siècle, au mépris de tout ce que la technologie a accompli et peut encore accomplir pour l'humanité ; un manifesto qui prend tous les points négatifs du progrès ou de ce qu'il pourrait accomplir en les grossissant exponentiellement et condamne le tout dans son ensemble, sans jamais parler du positif.
Cette propagande s'étend aussi au système social et politique du monde de Hugo, et là encore, on constate une erreur de cible.... Heureusement pour les enfants, on n'en est pas encore à leur enseigner à réfléchir à cela à l'époque du primaire... Non seulement, ils ont bien le droit de profiter de leur trop courte enfance, mais en plus, ils n'ont pas encore assimilé suffisamment de concepts pour pouvoir commencer à porter un jugement sur ces sujets (déjà que beaucoup d'adultes manquent clairement de bases pour émettre un avis sur ces choses...)

Pour ma part, je déteste les propagandes déguisées destinées aux enfants, on a déjà assez des différents films d'animation effleurant de près ou de loin ces sujets de nos jours, sans aller plus loin... On n'a pas besoin de prendre un marteau-piqueur pour leur faire entrer dans la tête (sous prétexte qu'à leur âge cela rentre mieux dans la tête... ) tout ce que l'humain a fait mal tourner et peut encore faire mal tourner... Ce type de comportement ce n'est plus de l'éducation, c'est de l'endoctrinement... C'est volontairement ancrer une peur profonde du progrès pour les pousser à rétrograder la civilisation plus tard...
Je n'ai jamais été aussi déçu par un livre de Masse Critique, et j'aurais aimé pouvoir trouver des points rattrapant cet ouvrage pour remercier Babelio de sa générosité, mais, hélas, je n'en vois aucun...