Citations sur Ms Alvarez et Wilfried Bosco : Les Ombres de Salem (15)
Les gens quand on les aime, on leur donne un sacré pouvoir sur nous.
Quand tout sera fini, lorsque nous reprendrons nos vies, est-ce que nous continuerons à être aussi unies, à nous montrer, nous prouver, à quel point nous nous aimons ? Est-ce que le malheur, aussi horrible soit-il, n’a pas une certaine saveur, une utilité ?
Ils m’expliquaient la pression extérieure. Aimer les grosses, y en a qui leur disaient que c’était comme une sorte de perversion. Une anomalie. Ça me blesse et me comble à la fois. Ça dépend des jours, de mon état d’esprit, de ma capacité de résistance. Parfois, j’aime l’idée d’être un désir défendu. Ça pimente les interactions. Ça en devient presque romanesque. C’est bien connu, les amours secrètes sont les plus exaltantes, les plus stimulantes. Parfois, à l’inverse, ça me désespère d’être vue comme une anomalie. Nos corps ne devraient pas être un endroit de souffrance. L’amour non plus.
Qui sait gérer ses sentiments ?
Je veux dire, parfaitement, sans jamais qu'ils ne débordent. Les médecins trouvent tout à fait normal que les gens se mettent à chialer, à hurler, à garder le silence, à fuir, à écrire ou composer, à se mettre au yoga ou à la boxe lorsqu'ils se sentent mal... mais réciter les noms des soixante-trois parcs nationaux, alors ça, non, d'après les médecins, ça ne se fait pas.
Je n’ai plus jamais repris ce bus. Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige, j’ai marché, et j’ai fait croire à mes parents que je continuais à utiliser la ligne 802. Prétendre, simuler, faire avec, nous, les femmes, c’est ce que nous savons faire de mieux. Pas par malice, par instinct de survie .
Oui, je peux penser à la sexualité de mes parents sans que ça me mette mal à l’aise. Je ne comprends pas tout ce cinéma que font les gens autour de ça. Comprenez bien, quand j’en parle, je ne les imagine pas. Ça ne m’intéresse pas. Ce qu’ils font ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir s’ils sont heureux au lit. S’ils s’aiment encore physiquement. Mais apparemment on n’a pas le droit de penser à ça. Je ne comprends pas. Ne pas penser que c’est là, que ça existe, que c’est une source de tension ou de bonheur entre nos parents, c’est refuser d’admettre une part de leur humanité. Le sexe fait partie de notre histoire à tous, sinon je ne serais pas là. Et vous non plus.
Je la remercie pour le milk-shake, et le reste. Le reste, ça veut dire son écoute, son réconfort, sa bienveillance, ses bras autour de moi. Mais ce serait un peu gênant de lui dire tout ça aussi clairement.
Les garçons de bibliothèque sont des garçons à part. Ils n'ont pas de sacs troués, de livres cornés, de cahiers pliés, de cheveux emmêlés. Ils ont les cheveux plaqués vers l'arrière ou rabattus sur le côté. Leur tête n'est pas posée sur un grand corps musculeux. Et ils portent des lunettes qui rendent leurs pensées secrètes, comme des vitrines un peu poussiéreuses sur lesquelles il faut coller son nez pour espérer voir ce qui se cache à l’intérieur.
Imaginez qu'on puisse aspirer toutes vos pensées en une fraction de seconde, un tuyau dans une oreille et hop, tout ce qui vous constitue émotionnellement est happé, balancé hors de vous dans un sac à poussière. C'est ce qui s'est passé.
Je n'aime pas voir les gens pleurer. Ce qui se passe dans leurs yeux à ce moment-là, ça me fait peur. Je n'aime pas les yeux. On peut s'introduire dans les gens par les yeux, on peut voir ce qu'il y a en eux et leur voler des choses.