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Critique de Lucilou


J'attendais avec beaucoup d'impatience la nouvelle enquête de Robin et Cormoran et un poil de frustration aussi. Je ne suis pas assez aguerrie pour en faire la lecture en langue originale en y trouvant un plaisir plus grand que le malaise diffus face aux étrangetés de la langue de ce bon vieux Will Shakespeare que je ne maîtrise pas assez.
Alors oui, je me suis jetée sur l'ouvrage dès sa parution en librairie, le savourant et salivant d'avance, me préparant mentalement aux glauques délices qu'il allait m'offrir et au plaisir de m'y plonger…

Est-ce que dans mon enthousiasme, je me suis toutefois questionnée sur mon achat eu égard des dernières déclarations fracassantes de J.K. Rowling, alias Robert Galbraith qui signe et persiste dans un avis que je ne partage pas, que je juge néfaste et nauséabond ? Oui.
Pour autant, j'ai acheté le livre…

La problématique concernant l'homme et l'artiste, l'artiste et l'homme… C'est un vaste débat dont nous ne serons jamais débarrassé et qui me préoccupe, surtout quand j'ai envie de lire le roman d'une auteure transphobe et très honnêtement je n'ai pas de réponse… La mienne consiste à me dire que si je cessais de lire/voir toutes les oeuvres commises par des artistes ayant des idées … douteuse, je me priverai de tout : Rowling mais aussi Voltaire (qui n'était pas contre l'esclavage), Dumas (qui n'encourage pas à bien traiter les femmes), Céline (collaborationniste) et je n'en ai pas envie. Par ailleurs, je me crois assez intelligente pour justement distinguer l'être de l'artiste en ce que je suis capable d'aimer une oeuvre pour ce qu'elle est, pour sa valeur intrinsèque tout en étant capable de condamner fermement les idées de l'humain caché derrière… Il me semble même que c'est donner trop de crédit aux ****** que de les effacer. Cela fait parler d'eux. Enfin, je suis opposée à tout effacement, toute censure… La limite que je me suis fixée est cependant la suivante : si, concernant les auteurs contemporains (parce que pour les autres je trouve toujours compliqué de les juger à l'aune d'une époque qui n'était pas la leur mais c'est un autre débat!), leurs textes se mettent eux aussi à défendre les thèses problématiques (nauséabondes), là, j'arrête tout. Je n'ai pas la prétention d'avoir adopté une attitude exemplaire face à ce questionnement mais c'est la mienne et si je me sens (un peu) obligée de me « justifier » c'est parce que, sachant que j'allais lire le dernier ouvrage de Galbraith/Rowling, deux ou trois personnes de mon entourage m'en ont fait de très verts reproches… Et ça m'a donné du grain à moudre…
Quoiqu'il en soit, en conclusion comme en préambule « Sang d'Encre » est dénué de propos transphobes, qu'on se le dise.

Et ce sixième opus des enquêtes de Strike et Ellacott est tout aussi magistral et brillant que les deux précédents (« Blanc Mortel » avait, pour moi, marqué un tournant dans la série qui dès lors est devenue plus sombre, plus tourmentée, plus profonde et complexe!) et je l'ai dévoré sans autre forme de procès.

Eddie Ledwell est, avec son ex-compagnon Josh, la créatrice d'un dessin animé qui cartonne sur Youtube, que les jeunes (et les moins jeunes) dévorent. Pourtant, rien ne prédestinait « Sang d'Encre » à devenir un tel succès. Gothique, cynique, il met en scène un ou deux fantômes et surtout le coeur sorti tout palpitant de la poitrine d'un défunt. On doit bien y trouver quelques squelettes aussi. Ce joyeux petit monde morbide évolue par ailleurs au sein du cimetière de Highgate, derrière de grandes grilles en fer forgé et sous, sans doute, des nappes de brumes. On est à Londres après tout. La renommée de ce « Coeur d'encre » que ne renierait sans doute pas le Tim Burton des « Noces funèbres » est telle que des fans ont fini par créer un jeu en ligne qui s'en inspire. Chaque jour, chaque nuit des admirateurs par centaines se retrouvent là, cachés derrières des pseudonymes. C'est là que le bât blesse, c'est là ce qui pousse la co-créatrice du dessin animé à pousser la porte de l'agence de Robin et Cormoran. En effet, un mystérieux personnage, acteur du jeu et de twitter, la harcèle en ligne et ce , de plus en plus violemment. Eddie cherche désespéramment à découvrir qui se cache derrière « Anomie » mais en vain et la fragile artiste est bien désappointée quand Robin lui explique que la cybercriminalité n'est pas du ressort de l'agence…
L'histoire aurait pu s'achever ici mais quelques jours plus tard, nos détectives apprennent que la créatrice a été assassinée… à Highgate, sur le théâtre devenu sanglant de « Sang d'Encre ».
Commence alors pour Cormoran et son associée une enquête vertigineuse et en eaux très troubles, à la recherche de la véritable identité d'Anomie et – peut-être – du meurtrier d'Eddie Ledwell.

L'enquête ne promettait pas d'être simple mais elle ne promettait pas d'être aussi complexe. Pour en venir à bout, notre duo va devoir non seulement affronter le monde de la création, la famille de la victime qui semble avoir deux ou trois petites choses à cacher mais aussi le monde aussi cruel qu'impitoyable d'internet, des réseaux sociaux et du Dark Web où s'immiscent parfois le pire du harcèlement et des groupuscules terrifiants (vous savez, du genre de ceux qui ont défilé à Paris il y a quelques jours et en toute impunité…).

Ce que j'aime avec «Les Enquêtes de Cormoran Strike» ce sont, outre les thématiques abordées, c'est leur profondeur et leur noirceur. Robert Galbraith me donne à chaque fois l'impression de plonger au plus sombre de l'âme humaine et il en ressort toujours des intrigues certes violentes et qui flirtent avec le glauque mais pessimistes et au-delà de ça, qui auscultent à merveille la société et l'âme humaine. J'aime aussi les atmosphères convoquées : on passe de la tension, du frisson voir de la terreur (et ça, j'adore) à des moments extrêmement chaleureux en un tour de page. Il faut dire que l'enquête principale est toujours heureusement émaillée des moments de vie des personnages : leurs enquêtes annexes, leurs préoccupations sentimentales. Ce n'est jamais joyeux mais ce sont des pauses qui permettent de souffler et elles sont suffisamment bien écrites pour faire contrepoids au glauque, à la noirceur de l'intrigue principale…
Et puis l'enquête en elle-même est très, très prenante (j'en ai sacrifié une nuit!). Naturellement, j'ai mené mon enquête, naturellement je me suis faite avoir. Tant mieux !

Au rang de mes légers regrets, je me permettrai toutefois de déplorer une fin un peu trop rondement menée. J'aurais voulu en savoir un peu plus, une confession peut-être… Et, mais cela concerne la mise en page plus que l'écriture, un inconfort certain lors de la lecture de certaines conversations via le jeu. Bien peu de choses en somme.
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