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Critique de Erik35


L'HISTOIRE, C'EST AUSSI DU SPORT.

Une fois n'est pas coutume, et loin de nous l'envie de botter en touche concernant la tenue de cette chronique mais notre camarade Alfaric (Je ne saurai donc assez vous conseiller de découvrir la critique de notre bédéphile plus qu'averti. Tâchons cependant d'apporter quelques précisions intéressantes à notre lecture) a su exprimer l'essentiel de ce qu'il y a à retenir de ce sixième opus de la troisième série désormais bien installée des "7", voulue par David Chauvel, à l'inspiration de l'un des grands moments du cinéma mondial - si vous ne l'avez jamais vu, c'est le moment ! - que sont Les Sept Samouraïs du cinéaste japonais Akira Kurosawa. Les sept mercenaires, qui en sont à la fois la copie hollywoodienne et le sincère hommage américain vous semblera un peu pâle (malgré d'évidentes qualités ainsi qu'un panel d'acteurs de rêve) après cela. Mais là n'est pas exactement le propos... Quoi que !

Car ce sont en quelque sorte des Samouraïs d'un genre et d'un temps plus proches des nôtres que Kris et Bertand Galic au scénario, assistés des mains et de la palette de maîtres par David Morancho au dessin et de Javi Montes à la couleur, nous proposent dans cette très belle réussite représentée par ce "7 Athlètes".

Des Samouraïs car, comme leurs très, très lointains ancêtres, les sept sportifs dont il est question, au moment de choisir entre une vie finalement assez facile, routinière, faite d'usine, de verres entre amis, d'un peu de politique et de compétitions sportives au sein de l'Etoile Rouge de Montreuil, leur "sporting club" comme on disait déjà à l'époque, et une autre, intense, faite d'absolu sans doute, mais où la mort peut-être la récompense à la moindre erreur commise, entre ces deux vies diamétralement opposées donc, le choix de l'engagement, de la dignité, de la mise en oeuvre véritable, hic et nunc, des idéaux, une certaine forme de noblesse de coeur et d'âme, plus forte et éprouvante que celle du seul sang va mener nos sept jeunes gens sur les chemins de la fameuse et terrible guerre civile d'Espagne.

On peut longuement pérorer sur le fait que les héros involontaires de cette histoire sont invariablement beaux et presque toujours tirés à quatre épingles, qu'ils sont évidemment très doués dans leurs pratiques sportives respectives, que leur coup de force contre un petit village contrôlé par un essaim de militaires franquistes et de miliciens relève du miracle (on a connu miracles militaires de ce niveau, et même parfois plus incroyables encore), etc... Il n'empêche qu'après quelques vérifications historiques, on comprend le talent incroyable des auteurs de cet album qui ont su créer, à partir de faits historiques réels, avérés, chroniqués - bien qu'assez méconnus chez nous - un drame parfaitement vraisemblable à défaut d'être véridique. Quelques points rapidement :

- Très rapidement, il fut compris par les grandes nations occidentales ainsi que par une partie non négligeable des instances sportives des futurs pays participants que les fameux JO de Berlin qui allaient avoir lieu en 1936 seraient les JO du Nazisme. le CIO ne remettant jamais en cause la moindre de ses décisions, celle prise par le Comité en 1931 et donc AVANT la prise de pouvoir par Hitler en Allemagne (1933) sera maintenue comme nous le savons tous. Cependant, des gouvernements de type front populaire, comme chez nous en France, mais aussi en Espagne allaient d'abord soutenir des initiatives pour faire barrage à ces JO de la honte. Il fut ainsi décidé que des Jeux Populaires auraient lieu à Barcelone, l'une des villes concurrentes les mieux placées avant la malheureuse décision du CIO. Pour mémoire, et comme l'histoire a souvent de ces petites cruautés ironiques étonnantes, M. de Coubertin, toujours bien en vie à l'époque, fut un de ceux à s'opposer le plus ouvertement à la candidature barcelonaise (à l'occasion de la réunion de validation du CIO qui eût lieu... à Barcelone !), pour cause d'incompatibilité personnelle et politique majeure avec la République espagnole alors toute fraîche, qui avait eu le très mauvais goût de se débarrasser de son roi sans trop prendre de gants. Les desseins impénétrables des instances sportives modernes...

Malgré un désengagement progressif des nations démocratiques (un petit avant-goût sportif à Munich) pour l'aide apportée aux fédérations et aux sportifs eux-mêmes, des sélections eurent lieu et des sélections envoyées. Au frais des sportifs ! On n'a jamais arrêté le progrès, dès lors qu'il s'agit d'être honteux.

Hélas, ces délégations tout juste arrivées en Catalogne, le Général Franco lançait son fameux pronunciamiento et il n'était désormais plus guère question de s'amuser sur quelque stade qui soit. le gouvernement de la France d'alors, fidèle à son engagement en faveur des libertés... allait intimer l'ordre à tous ses ressortissants athlétiques de s'en retourner, par bateau, vers l'amère Patrie et... toujours à leurs frais ! le progrès en marche, qu'on vous dit.

Bien entendu, il n'y eut probablement jamais de charmante Jeanne, pas plus que de beau-gosse Antoine, et j'en passe dans cette petite bande pourtant très attachante de jeunes gens au sang chaud et aux âmes encore relativement pures (l'irlandais et l'espagnol exceptés. Mais ils ont déjà vécus, l'un l'autre, les horreurs de la guerre. Quant au jeune juif allemand "apatride", il semble tout simplement ne plus croire en grand chose, au début du moins). En revanche, et sans plus de préparation que cela (n'oublions tout de même pas que le service militaire n'était pas une mince affaire en ces temps-là), des sportifs de toutes les nations présentes, françaises, anglaises, irlandaises, américaines, italienne, allemande et bien entendu espagnoles décidèrent de rester et de s'engager immédiatement dans les troupes républicaines. À noter que les allemands présents à ces jeux furent très nombreux à s'engager du côté des républicains. Etant des opposants politiques ou juifs au pouvoir nazi, ils étaient "apatrides" et un éventuel retour leur était donc impossible. Beaucoup préférèrent donc l'éventualité d'une mort "digne" en rapport avec leurs combats intellectuels ou personnels plutôt que le déplacement d'un camp de réfugié à l'autre dans des pays d'accueil.

- Nos sept gaillards et gaillardes se retrouvent dans l'une des "colonnes" armées parmi les plus fameuses de toute la guerre civile espagnole : celle dirigée par l'anarchiste espagnol déjà fameux, Buenaventura Durruti. À cela nul hasard : cette colonne anarchiste de la CNT (dont on reconnait les calots tout au long de l'album) s'est créée à Barcelone dès les premières heures de cette guerre tragique et en partira quelques jours seulement après le fameux coup d'Etat militaire du 18 juillet. Nos auteurs respectent donc fort bien la réalité historique à ce niveau.

- Plusieurs "centuries" étaient composées intégralement d'éléments étrangers. Il y eut ainsi une centurie française, nommée Sébastien Faure, qui eut en son sein la célèbre philosophe Simone Weil, pour ne citer qu'elle.
Quant aux allemands, c'est à l'un d'eux que fut confié, hélas, le discours funèbre de Durutti après sa mort plus qu'étrange (triste accident, règlement de compte entre "chefs", assassinat politique commandité par les stalinistes... tout est possible, sauf une balle venant du camp d'en face !).

En revanche cette colonne ne se rendit jamais, en tant que telle, dans aucun petit village des Asturies où se déroule le noeud de l'action, mais qui en voudra à nos créateurs de prendre ainsi quelques libertés avec la grande Histoire ?

Avec cet album somptueux, d'un très bel équilibre entre vérité historique, petite et grande, et aventures créées de toute pièce mais hautement plausibles, il nous est donné de découvrir bien des aspects méconnus, oubliés, peu ou mal appréhendés dans nos enseignements de l'histoire mais qui donnent pourtant à réfléchir sur les prémices de cette période tumultueuse et terrifiante de la fin des années trente et de celui des années quarante, inévitablement tournée vers la montée des fascismes, leur explosion à la face du monde, les guerres qui s'ensuivirent et leur éventuelle survie, comme ce fut d'ailleurs le cas pour l'Espagne franquiste.

Plus que cela, cette histoire en bulle nous pose, de manière cruciale, la question de l'engagement, de la fidélité aux grands principes, à une certaine idée de la liberté, à la force, aussi, des amitiés... et de l'amour ! Car nous sommes bien au pays du flamenco, et le royal sentiment ne peut décidément s'y vivre que dans la passion jusqu'au-boutiste, les troubles et la "muerte" !

Une vraie réussite, donc, que cet opus. Sans aucun doute l'une des plus forte et l'une des plus abouties de cette série certes inégale mais pleine de (très) belles surprises. À découvrir, c'est donc une certitude.
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