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Critique de Osmanthe


Ces contes d'auteur inconnu sont en fait des miniatures de quelques lignes, parfois deux pages, qui commencent toujours par « Jadis il était un homme » (parfois une femme). Après cette amorce situant le contexte, s'ensuit immanquablement un poème ou deux poèmes de type tanka (5 vers de 31 syllabes, 5-7-5-7-7). La plupart du temps, l'homme en question le destine à une femme, qui elle-même répond.

Nous sommes ici en présence de nobles gens du puissant clan des Fujiwara et de la maison impériale du Japon. La plupart de ces textes mettent en scène Ariwara no Narihira, petit-fils de l'empereur.

Dans ces quelques 209 « Ise monogatari » aux allures d'anecdotes, les situations sont souvent assez répétitives. Leur sujet ultra-majoritaire est universel, l'amour bien sûr ! le personnage aime et n'est pas aimé en retour, ou il doit s'absenter et se trouve remplacé…bref, ce n'est pas le grand bonheur. Les tankas ne sont pourtant pas d'un romantisme échevelé, mais assez distanciés, philosophes, au risque d'une certaine sécheresse. La nature est aussi un sujet d'émerveillement solitaire. Et certains poèmes sont superbement imagés, comme celui-ci :

Les fils de nos vies
En un noeud serré,
Ayant été noués,
Même après nous être séparés
Je crois que nous nous reverrons encore.

Autre point remarquable, malgré le machisme bien ancré de la société japonaise, il apparaît qu'en ces temps reculés des VIII-IXème siècles, en cette nouvelle ère de Heian, les femmes ont tendance à mener la danse…Au moins dans la haute société, car elles ont le dernier mot en répondant à leur soupirant. Souvent dans ces contes d'Ise, les hommes pleurent et les femmes sont cruelles !

Jadis un homme envoya [ces vers] à une femme cruelle :

Que je soupire après vous
Je ne le répéterai pas spécialement,
Mais sachez
Que si les cordons de vos sous-vêtements se dénouent (1)
C'est pour cette raison

Elle répondit

Quoique l'on voie un signe
Dans le desserrement des cordons de dessous,
Ce n'est pas le cas [chez moi].
Il n'y a donc pas lieu de recourir
A une telle supposition. (2)

(1) D'après un vieux dicton, les cordons qui attachent les vêtements de dessous d'une personne se dénouent tout seuls quand elle est aimée.
(2) Pour me faire croire que vous m'aimez.

On sent bien que la traduction du vieux japonais n'a pas dû être facile pour le traducteur Gaston Renondeau, pourtant une des figures reconnues du métier, contraint d'adapter, d'interpréter, et qui fait au mieux pour assurer une cohérence et une intelligibilité à ces textes, tout en avouant son doute sur quelques passages vraiment obscurs. C'est honnête. Il nous apporte aussi des éclairages précieux dans des notes de bas de pages systématiques, qui nous permettent de mieux cerner les us et coutumes à la cour impériale et dans la société japonaise.

Un ouvrage utile dans sa dimension fondatrice de la littérature japonaise, qui vient compléter les grands textes, notamment des célèbres poétesses de l'époque de Heian. Intéressant, à coupler avec le superbe "Songe d'une nuit de printemps", où les femmes de la cour de Heian pleurent également souvent dans leurs longues manches de kimono à l'évocation des amours contrariées.
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