AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de antoine_chareyre


« Zola sous cocaïne » par Éric Dussert

Patrícia Galvão (1910-1962) n'était pas une Brésilienne de tout repos : féministe scandaleuse et militante communiste trop ingérable pour un parti communiste dépassé, elle mena de petits métiers en activités suspectes une existence vouée à l'agit-prop sous les pseudonymes de combat de Pagu ou de Mara Lobo. Au point de devenir la première prisonnière politique du Brésil et d'écoper de plus de cinq ans de prison durant la décennie 1930. Et dès 1932, outre un journal satirique, elle rédigea un roman, Parc industriel, qui s'avère être le premier roman prolétarien publié au Brésil. D'inspiration aussi féministe que marxiste, on y suit le parcours de femmes de São Paulo sur un mode vif et imagé par des dialogues que la traduction d'Antoine Chareyre sert très bien.
Enfants mal nourris, grèves, maris au chômage, drapeaux rouges, ateliers textile, c'est la vie du lumpenprolétariat du quartier du Brás qui se déploie sous sa plume à un rythme trépidant, saynète après saynète. « Elle n'a plus jamais travaillé. Quand elle a faim elle écarte les jambes devant les hommes. Elle était sortie de prison. Avait voulu mener une vie nouvelle. Sollicité un emploi de domestique au Diário Popular. Elle est prête à rendre n'importe quel service à n'importe quel prix. » Pagu, c'est Zola revu par Fénéon, Frapié sous cocaïne — pas le temps de se lancer dans des descriptions —, une rage de témoigner de la réalité ouvrière comme les journalistes tiennent la chronique des grands boulevards : à la six-quatre-deux. Sans recherche esthétique, et même avec brutalité. On en sort sonné, mais ébahi par le talent de cette jeune journaliste en herbe, sorte de Roberto Arlt énervé qui porte le couteau entre les dents pendant qu'elle écrit. Bref, une découverte particulièrement frappante.

(Le Matricule des Anges, n°162, avril 2015; article repris, dans une version revue et augmentée, sous le titre « Patricia Galvão » dans : É. Dussert, Cachées par la forêt (138 femmes de lettres oubliées), préf. de Cécile Guilbert, La Table Ronde, 2018, p. 419-421)
Commenter  J’apprécie          00



Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten




{* *}