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Critique de DogtorWoof


Cent ans de solitude est sans aucun doute l'un des plus grands textes de l'histoire mondiale de la littérature, ce livre dont le dénouement a, chez les lecteurs du monde entier, généré un souvenir indélébile.

La grandeur de ce texte est liée à mon sens:

- A la méticulosité de Garcia Marquez dans l'élaboration d'une charpente narrative s'étalant sur un siècle, dont la précision et la cohérence sont irréprochables. Sans utiliser de ressorts abscons, l'histoire de Cent Ans de Solitude est racontée avec une fluidité exemplaire, jalonnée d'une foule de détails qui transmettent toute la couleur de la Colombie natale de l'auteur. Ce texte témoigne une nouvelle fois de toute la technicité de l'oeuvre de Marquez.
- Au style dépaysant de l'auteur : là où la littérature francophone classique sait et aime à développer toute la teneur des états mentaux des protagonistes, leurs émotions, leurs états d'âme, Garcia Marquez nous conte la vie d'une vingtaine de personnages pittoresques sans jamais (ou presque) partager leurs sentiments respectifs, mais se borne à relater des évènements et des faits. Et cela même au point où le lecteur distrait sautant une ligne ou relâchant momentanément son attention perdra rapidement le fil des évènements tant ils sont nombreux et successivement relatés: ce tempo est soutenu avec virtuosité jusqu'à l'une des conclusions les plus magistrales de l'histoire de la littérature.
- Au Réalisme Magique (le terme est de 1925) qui consiste à faire surgir, au sein d'un environnement réaliste, des éléments fantastiques dont la véracité n'est pas remise en cause par les protagonistes. C'est toute l'essence par exemple de l'oeuvre de David Lynch qui transmet l'étrangeté du monde au sein d'un cadre initialement classique, ou même l'oeuvre de Boulgakov et de Kafka. L'étrangeté qui survient à des moments clefs de la narration confère à Cent Ans de Solitude cette saveur unique, celle de la chaleur humide Colombienne chargée de ses petits papillons jaunes qui traversent la vie de personnages condamnés dès l'incipit à accomplir leur destin biblique.
- A sa portée philosophique incomparable, qui fait écho à la philosophie contemporaine de l'Absurde mais aussi à un savoir plus ancien, intemporel, appartenant au patrimoine immatériel de l'humanité. Les prophéties de Melquiades transmises en sanskrit, le mythe de l'éternel retour, du destin, de l'apocalypse constituent le coeur de l'oeuvre.

Ainsi je suis ému, à la lecture du désespoir d'Ursula :
"Je connais déjà tout ça par coeur, s'écriait Ursula. C'est comme si le temps tournait en rond et que nous étions revenus au tout début."

... de voir y résonner les antiques paroles de Marc-Aurèle :

"tout, de toute éternité, est d'aspect identique et repasse par les mêmes cycles, et qu'il n'importe qu'on assiste au même spectacle pendant cent ou deux cents ans ou toute l'éternité [...]"

Cette Oeuvre transmet un sentiment de totalité philosophique et spirituelle. Elle paraît résulter d'une propriété émergente de ses protagonistes dont les récits de vie conjugués constituent une charge philosophique bien supérieure au simple roman.

L'implacable destin, la vaine lutte Faustienne des personnages contre l'inéluctable répétition du temps, la force destructrice de la nostalgie emportent ces martyrs dans le néant d'une vie et mort éternelles.

Le lecteur est alors laissé là, riche de l'un des plus beaux désespoirs de sa vie.

Marquez vous a déjà repris, pour toujours, ce monde qu'il vous avait confié.
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