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Critique de Crossroads


Sous le pseudo d'Emile Ajar qu'il prit pour retrouver une certaine virginité littéraire , Romain Gary , ce petit cachottier , fut le seul à se voir décerner un second prix Goncourt ( Les Racines du Ciel : 1956 ) pour La Vie Devant Soi .

Mohammed a 10 ans , bientot 14 . Mohammed prefere qu'on l'appelle Momo , les Inconnus n'ont rien inventé ; ) . Recueilli des son plus jeune age par madame Rosa qui s'est spécialisée dans " l'adoption " d'enfants de putain , il creche à Belleville , au sixieme , sans ascenseur . Madame Rosa , ancienne gagneuse qui se défendait avec son cul , juive , déportée , n'est plus que l'ombre d'elle-meme . Laide , grosse , 36 cheveux au compteur , elle se rend bien compte qu'elle n'a plus la lumiere à tous les étages . Elle "s'absente " de plus en plus fréquemment , sentant bien que ses jours de pleine lucidité sont désormais comptés . Finir la bave aux levres avec le regard du veau qui tete , tres peu pour elle ! N'est pas Ribéry qui veut....Ses cauchemars récurrents , Hitler et le cancer : l'un étant éradiqué , l'autre , aux aguets , attendant son heure selon ses dires...Une femme ayant échappé au terrible systeme concentrationnaire d'Auschwitz ne peut s'imaginer entrer dans le livre des records en pulvérisant un coma végétatif de 17 ans , alors détenu par un Amerloque ( trop fort ces Ricains ! ) . Elle fera promettre à son petit Momo de " l'avorter " si l'on devait en arriver là . du haut de ses 10 ans , bientot 14 , Momo fera bien plus que cela...

Le tour de force de ce roman , c'est d'évoquer un sujet résolument grave sur le ton de la légereté . La grande faucheuse est omniprésente , on la sent se rapprocher inexorablement jusqu'à vous submerger de sa noirceur et pourtant , par le biais de ce jeune héros au phrasé si particulier , la lecture s'accompagne d'un petit sourire en coin qui ne vous quitte jamais .
Les personnages découverts sont hétéroclites au possible . Cela va de Monsieur N'da Amédée , " proxynete " illettré le mieux sapé de Paname et de sa proche banlieue à Monsieur Hamil , ancien vendeur de tapis ambulant et néo philosophe sans oublier Madame Lola qui d'ancien champion de boxe au Sénégal s'est reconvertie en travestie au Bois de Boulogne . Autant d'acteurs truculents gravitant autour de ce petit monde fusionnel qu'est l'univers Rosa-Momo .

L'auteur vous prend aux tripes en conférant à ce jeune narrateur une gravité anormalement conscientisée pour un gamin de son age . Un vocabulaire fait d'amalgames aussi amusants que profonds et c'est la mort qu'on appréhende à un age ou l'innocence devrait faire loi . Momo découvre que rien ne dure jamais . Qu'il devra devenir un acteur majeur dans l'inéluctable disparition de sa maman d'adoption . Une mere de substitution qui le fait se questionner sur son age et ses origines mais qu'il aime par dessus tout . Un gamin innocent projeté et ballotté dans un monde d'adultes bien avant l'heure . S'il maitrise de façon plus qu'aléatoire la définition de la majorité des mots de son vocabulaire , il saisit cependant parfaitement le sens de la vie qui s'écoule et s'acheve parfois tragiquement . Ce roman écrit par un sexagénaire que la mort effrayait au plus haut point ( et qu'il devancera pourtant en 1980 ) est tour à tour lyrique , naif , sombre et violent mais baigne , paradoxalement , dans une perpétuelle bonne humeur contagieuse . Sa causticité décalée vous emportera de la premiere à la derniere page !

La Vie Devant Soi : atypique et jubilatoire...
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