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Critique de Brooklyn_by_the_sea


En ce qui me concerne, ouvrir un roman de Romain Gary, c'est toujours risquer de me prendre un coup de poing en plein coeur -et ça n'a pas loupé avec celui-ci.
Jean, chauffeur de taxi occasionnel, prend un jour pour client Salomon Rubinstein, ex-Roi du prêt-à-porter, qui lui propose de devenir coursier au sein de SOS Bénévoles, l'association qu'il a créée pour aider les personnes en difficulté, qu'elles soient confrontées à l'âge, la solitude, ou autres angoisses existentielles. Jean accepte et découvre alors, en la personne de Monsieur Salomon, un homme de 84 ans déterminé à porter sur ses épaules plus que sa part du poids du monde. Mais comment porter un tel poids sans s'insensibiliser ? "Le juste milieu. Quelque part entre s'en foutre et en crever. Entre s'enfermer à double tour et laisser entrer le monde entier. Ne pas se durcir mais ne pas se laisser détruire non plus. Très difficile.", comme l'apprendra Jean.

J'ai beaucoup aimé cette histoire un peu folle, parfois un peu poussive aussi, mais qui sonne juste. Comme toujours, Romain Gary joue de sa faculté à parler de choses graves avec une légèreté qui donne envie de rire puis de pleurer. Il s'amuse avec les mots, faisant de Jean un Momo (de "La vie devant soi") adulte, amateur de dictionnaires et d'encyclopédies.
Surtout, je me suis retrouvée dans le fatalisme de ce roman inscrit dans l'année 1978, tandis que s'impriment partout (et surtout dans la rétine) les images de goélands englués dans le pétrole, de bébés phoques massacrés, d'Argentins torturés et de Cambodgiens assassinés. "C'est une honte, le monde devient chaque jour plus lourd à porter." soupire Monsieur Salomon, qui a survécu au nazisme, et je me demande ce qu'il en penserait 45 ans plus tard. J'ai aimé cette façon d'aborder la difficulté de vivre dans une société aussi désespérante, et de considérer le salut humain à travers celui de tous les vivants. En ce sens, la générosité de Romain Gary m'a consolée et réconfortée.
Enfin, j'ai également été touchée par les réflexions sur l'angoisse du temps qui passe et de la possibilité du bonheur, et sur la recherche d'un stoïcisme protecteur quand vivre heureux devient un oxymore.

C'est donc une lecture dense et douloureuse, mais aussi drôle (oui, oui) et pertinente, et on en sort avec l'impression d'avoir bénéficié de quelques conseils d'un plus sage que soi, et d'être réconcilié avec l'existence. Prêt à regarder de nouveau la vie devant soi.
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