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Critique de ODP31


Il faut sauver Babar des barbares.
Cette causticité n'aurait pas été du goût de Morel, personnage central de ce roman, qui fit de l'interdiction de la chasse à l'éléphant dans l'Afrique Equatoriale Française des années 50, sa raison de survivre.
A défaut de prendre le maquis, l'homme accusé de vouloir changer d'espèce prend racine dans la brousse après s'être rapidement rendu compte que les pétitions étaient aussi efficaces pour sa cause que l'arrosage sur des plantes en plastique.
Morel s'attaque aux intérêts des chasseurs et des trafiquants d'ivoire. Ses exploits sont relayés par la presse et l'homme insaisissable devient un mythe. Des révolutionnaires en herbe, foetus d'apprentis dictateurs, cherchent à l'instrumentaliser, la population locale qui se nourrit de la viande des pachydermes et qui revend l'ivoire ne l'accueille pas à bras ouverts, l'administration coloniale en fin de course pourchasse ce fauteur de troubles et les prêtres ne comprennent pas cette obsession pour la sauvegarde des animaux alors qu'il y a tant à faire pour l'homme. Il Dans ce zoo humain, Morel devient l'éléphant qui se balade dans un magasin de terres cuites.
Dans son combat, l'ancien déporté dans les camps nazis est accompagné de baroudeurs lassés de la condition humaine. Il y a Minna, hôtesse de bar allemande violée à la fin de la guerre à Berlin par des soldats russes, Forsythe, ancien prisonnier de guerre américain en Corée, considéré comme un pestiféré dans son pays, Fields, photographe dont la pellicule est gagnée peu à peu par la cause et Peer Qvist, naturaliste danois, intégriste de la cause animale.
Derrière la volonté de préserver les éléphants surgit la volonté de sauver l'honneur de l'humanité par un combat qui la dépasse. Tel est le sens de ce magnifique titre, les racines du Ciel.
Romain Gary s'était battu pour un autre intitulé, l'Education africaine, qui portait un message plus politique en résonance avec son premier roman, l'Education européenne. le roman est effectivement un manifeste de résistance contre tous les totalitarismes et Morel présente bien des traits communs avec la légende du partisan polonais Nadejda de son précédent livre. le choix des Racines du Ciel, qui souligne le besoin humain de justice, reste néanmoins une merveille de métaphore.
le roman, paru en 1956, relève presque de la prescience ou du vaudou. A cette époque, Nicolas Hulot n'avait pas encore inventé le gel douche et les animaux ne bénéficiaient pas encore de 30 millions d'amis. Certes, Romain Gary, expert en filouteries, a ajouté dans l'édition de 1980 des mentions à l'écologie ignorées à l'époque mais cela n'enlève rien aux qualités visionnaires de ce roman verdoyant qui lui valut son premier Goncourt.
Romain Gary n'aima pas l'adaptation de son livre réalisée par John Huston en 1958 avec Trevor Howard, Errol Flynn et Juliette Greco. Peut-être parce qu'il s'agit d'un film d'aventures assez binaire. Peut-être aussi parce que John Huston profita du tournage pour aller chasser quelques éléphants…
Comme beaucoup de lecteurs, j'ai trouvé aussi que le roman souffrait de quelques longueurs et de pas mal de répétitions mais cela est dû à une construction polyphonique qui donne la parole à tous les protagonistes. Je dois avouer que sans éclaireur, je me suis parfois un peu perdu dans la narration de ce safari romanesque.
Reste une oeuvre impressionnante, sorte de « roman total » qui embrasse bien des causes perdues et embrase les lecteurs.




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