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Critique de lilianelafond


Là où ne-poussent plus les arbres ni leurs
fruits, ni les céréales, ni même l'herbe, aux
confins de la terre, il y a les lichens et, vivant
des lichens, des rennes, et, vivant des rennes,
der hommes, et urie immémoriale civilisation.
Et cette chaîne précaire, qui fonctionne depuis
des centaines de milliers d'années, s'arrête aux
environs de l'année 1970 de l'ère chrétienne.
Il tombe sur le monde une lente, invisible
pluie de particules radioactives. Les lichens,
qui se noprrissent de l'air du temps, concentrent cetté radioactivité et les rennes deviennent six cents fois plus radioactifs que les
boeufs d'élevage. La civilisation du renne disparaît. Présage. Présages. Les lichens reculent
devant l'homme, c'est-à-dire partout. Ils annoncent d'autres disparitions.
II y a des livres que l'on a lus avant de
les avoir lus, que l'on voudrait écrire lorsqu'on
en a seulement lu le titre, que l'on sait par
coeur de bout en bout, dès la dix-huitième
ligne. On ne résiste pas à un livre qui commence par : « En Transbaïkalie, l'ancien territoire
des Huns, avant les monts Khingan, à l'endroit
où la Sibérie, la Mandchourie et la Mongolie
se touchent... »
Pierre Gascar, qui écrit dans le même souffle, plutôt demi-souffle, de coureur de fond,
un livre entier, ne se case nulle part dans
la littérature contemporaine. Il serait du côté
de Marguerite Yourcenar, de Michel Leiris, de
Francis Ponge. Faute•de l'avoir classé, on l'oublie. Ce qui permet de le redécouvrir par
hasard, un jour, parce qu'il écrit ce qu'on n'a
jamais écrit sur ce que ressent un automobiliste qui conduit une grosse et douce puissante voiture sur une route au petit matin.
Un autre jour, parce qu'il raconte Chambord
de telle manière que l'on soupçonne que Chambord n'a jamais existé avant •qu'il ne le découvre.
En lisant Gascar, on ne devine ni son âge
ni son visage. En revanche, cm . . son
regard gris et ancien qui repère les signes de
l'usure, les rides de la folie collective, les
vertiges d'autodestruction de l'espèce; le regard de ceux qui ont toujours su reconnaître
les présages pour les donner à lire aux autres.
ALAIN HERVE

Lien : http://referentiel.nouvelobs..
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