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Critique de JLBlecteur


Un pavé littéraire organique, fait pourtant des pierres dont on construit les prisons, un granit lourd, gris et massif, mais un poème aussi, une ode langoureuse à ces amours emmurées exprimée par un lyrisme parfois cru, planqué derrière une écriture extrêmement dense, touffue voire humide comme une forêt tropicale qui vous enserre, ligneuse et fleurie des fleurs du mal, le texte éjaculé d'un trait n'étant rythmé par aucun chapitre ni même aucun paragraphe. Un jet dis-je!

Une lecture qui se mérite, qui suppose un effort permanent, une concentration accrue de tous les instants.
Comme une condamnation, une souffrance mais consentie, une forme de masochisme cérébral.

Pas aisé de suivre ces pérégrinations intellectuelles qui sanctifie l'acte criminel comme celui qui le commet, qui sublime les relations entre ces hommes relégués au rang de renégats, relations qui vont jusqu'au plus profond de l'intimité d'une homosexualité assumée voire revendiquée.

La violence côtoie la crasse ou le sordide. La mort, omniprésente, rôde dans les couloirs louches, marche dans les sombres escaliers, serpente sur les hautes coursives glacées, surveillées puis louvoie sous les lourdes des geôles ou gisent ou se lovent les gironds gibiers de potence promis à l'échafaud ou les jeunes et jolis gitons soumis jouissant de viriles protections sodomites.

On y aime ou s'y persuade d'aimer pour ne pas crever.

Une hiérarchie tacite s'instaure qui soumet corps et âmes, une turpide raison d'exister dans un univers parallèle ou les mécanismes ordinaires n'ont pas droit de cité, la virilité exacerbée y étant élevée au rang de religion, de culte, de mythe, le condamné à mort de totem suprême.  

Les prisonniers n'ont d'histoire que derrière les barreaux de la maison de redressement ou de la prison, le passage de l'une à l'autre étant une évidence, une logique quasi mathématique. La vie antérieure à l'enfermement est effacée par une discipline souvent absurde qui alimente des envies d'évasion toujours vouées à l'échec.
On y apprend le sournois système de surveillance qui subordonne matons ou matés, les matins qui déchantent, l'aube pisseuse, les compromissions et les petits arrangements avec toutes les strates de l'autorité carcérale, faits plutôt des gros durs qui ne risquent aucune vengeance de la part de leurs vaincus vassaux résignés.

Ça grouille, ça sue, ça suinte, ça pue mais ça idéalise, ça idolâtre…et ça rêve !
Un rêve tragique !

Et ce rêve tragique est sublimé par une écriture flamboyante, exaltée, tantôt lourde et collante, faite de la poussière poisseuse des galetas des cellules, tantôt onirique et fantasque quand le propos amoureux libère des chaînes scellées à la muraille mortifère.

On y croise des silhouettes aux noms improbables, qui tel des ombres chinoises, s'entremêlent ou se cherchent des noises dans une redondance langoureuse ou douloureuse, un tango haletant ou les participants bandent aux néons blafards des taules ondulées.

Genet besoin de personne pour envoûter ou rebuter un lectorat averti que l'ouvrage entre ses mains ne peut être cédé à tout le monde.
 
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