Appâts vivants

À mon avis, il vaut mille fois mieux se faire incinérer. Une belle flambée vigoureuse, on n’en parle plus. C’est comme la fin des chansons, je déteste quand c’est progressif. Vous êtes en train d’écouter, vous trouvez ça super, puis sans aucune raison, le volume baisse, la musique continue, mais de moins en moins fort, pour s’éteindre, fini, y en a plus.

Dans les films, quand le héros se bouffe le foie, il demande conseil à quelqu’un. Mais dans la vraie vie, vous ne trouvez jamais personne pour vous donner un avis potable ou s’intéresser à vos problèmes, alors chacun se dépatouille dans son coin.

S’il est rare désormais que les familles orientent leur enfant vers le cyclisme, dans les familles riches, c’est rarissime. Les cyclistes provenaient toujours de foyers modestes. C’est un maçon qui a gagné le premier Giro, un ramoneur le premier Tour de France. Ils ont été suivis d’une longue série d’artisans, boulangers, menuisiers, paysans qui mouillaient le maillot. La faim est un ingrédient important dans le secret de fabrication d’un champion cycliste.

C’est un bonheur de s’occuper de ces mômes. Ils commencent à huit ans chez les poussins, garçons et filles mélangés. Les premières fois où vous les juchez sur un vélo, on dirait un emboîtement raté, deux morceaux de puzzle qui ne sont pas prévus pour s’imbriquer, mais qu’on voudrait encastrer à coups de marteau. Ils sont trop gros ou trop chétifs, trop courts ou trop longs, gauches, maladroits.

Mais le roi des appâts vivants sera toujours sa majesté l’asticot, la larve de la mouche à viande, qui vous donne l’impression saisissante d’être dans la tombe.

Si tout le monde faisait pareil, on vivrait bien ou pas trop mal. Désormais une personne née ici ne peut plus travailler ni même profiter de sa retraite. Le soir, il faut rentrer en vitesse, parce que les rues ne sont plus sûres la nuit venue.

Il a balancé une phrase convenue. Comme dans la pub l’injonction à consommer la vodka avec modération.

Connaître une vérité déplaisante est une chose, la voir écrite en toutes lettres en est une autre. Un peu la différence qu’il y a entre savoir que les vipères sont venimeuses et se faire mordre.

Chez les paons, le mâle en jette, sa queue est spectaculaire, sans compter le reste, tandis que la femelle est toute grise, quasiment dépourvue de queue, anonyme.

La femme est plus belle que l’homme. Elle soigne davantage son apparence, se soucie davantage de son image, c’est naturel. Du moins chez les humains, parce que chez les animaux, c’est exactement le contraire.