Le calamar géant

Ainsi, le grand requin blanc, le terrible prédateur, le requin tueur, l’assassin des océans. Chaque année, trois ou quatre personnes meurent de ses attaques. Mais la même année, on tue plus de soixante-dix millions de requins. Trois ou quatre, contre soixante-dix millions. […] Alors nous créons des associations caritatives et des réserves naturelles pour protéger les derniers spécimens. Et nous nous sentons bons, presque saints, et formidablement supérieurs […]

Le pastique ne coûte pas cher. J'ai entendu beaucoup de conneries dans ma vie et j'en ai dit encore plus, mais celle-ci surpasse toutes les autres.

Le calamar géant est géant, oui, mais il ne faut pas exagérer. Disons 18 mètres, juste pour rester sous les 20. Un seuil psychologique, comme les prix à 9,99.

Une quantité énorme d'animaux meurt à cause des gros plastiques. [...] Au moins, un tiers des cachalots échoués en Grèce sont remplis de plastique et meurent parce qu'ils ne peuvent plus manger ni respirer.

Chaque être humain avale environ cinq grammes de plastique par semaine. Comme si on mangeait une carte de crédit tous les lundis matins.

La tortue ne comprend pas que cette méduse appétissante est en fait un sac, les oiseaux de mer ne comprennent pas que ces morceaux de plastique ne sont pas des coquilles de moules, le cachalot ne comprend pas que ce n'est pas un tentacule au fond de l'océan, mais un énorme câble de caoutchouc et de métal. Les oiseaux qui volent à travers les aéroports ne comprennent pas les moteurs à réaction qui les aspirent et les pulvérisent. Et les enfants ne comprennent pas quand quelque chose de mauvais ou d'injuste se produit. Ils demandent aux adultes pourquoi. Et la réponse la plus fréquente est aussi la plus terrible : "Tu comprendras quand tu seras grand." Ça ne veut pas dire qu'en grandissant, on sera plus intelligent, plus fin, plus sage. Non, c'est juste qu'en grandissant, on devient plus cynique et plus amer, on cède à l'injustice, à la laideur et à la saleté. Ce n'est pas vrai qu'il faut être intelligent pour comprendre, il se passe certaines choses dans le monde qu'il faut être idiot pour comprendre.

Nous nous sommes détachés de ce que nous étions, nous nous sommes sentis supérieurs aux animaux, au monde, aux dieux. En fait, les dieux, c'est désormais nous, mais il n'y a personne pour nous vénérer, alors on essaie de le faire nous-mêmes.

En fait, empoissonner la nature, c'est comme pisser volontairement dans son pantalon.

... avec ce matériaux éternel, on fabrique des fourchettes transparentes qui se cassent après deux bouchées et des briquets qui durent trois cigarettes, nous sortons du supermarché avec une poignée de cerises conditionnée dans une boîte en plastique de la taille d'une benne à ordures, et nous conservons l'eau dans de petites bouteilles qu'on vide en une minute, mais qui sont destinées à durer - vides et inutiles - pendant au moins un demi-millénaire.

Tout part de e constat évident, banal : l'homme, pour fabriquer des objets jetables, qu'on prend et qu'on balance, a choisi d'utiliser un matériau quasi éternel.