Tout ce qu’il fut – saxophoniste, star ou mal aimé, don Juan, homme sans femme, littérateur sans littérature, alcoolique, désespéré, solitaire, bon convive, nostalgique, désinvolte, faiseurs d’épigramme et de bons mots, amateur de calembours, raconteur d’histoires, et de bien d’autres choses encore - , tout ce qu’il fut, il ne le fut jamais vraiment.
Lorsque je raconte une histoire, transposer mes souvenirs est la plus grande audace dont je sois capable. Ma façon de relater la "création" de Take Five, notamment, laisse peu de place à l'imagination. Il faut dire que mon numéro est rodé. je connais mon texte sur le bout du doigt. C'est celui que j'ai récité au rédacteur en chef de Jazz Magazine : " L'idée m'est venue à Reno, devant une machine à sous. Le rythme de la machine m'a suggéré le rythme du morceau. En fait, j'ai surtout voulu que cette machine restitue d'une manière ou d'une autre tout l'argent perdu à jouer avec. Aujourd'hui, c'est fait."
Appartenir à une minorité suspecte aux yeux de beaucoup ne me semblait ni plus ni moins périlleux que de traverser en dehors des clous à l’heure de pointe : certaines précautions étaient indispensables,