Ses lèvres pulpeuses s’agitent sous ma paume tandis qu’elle essaie de hurler à la mort sans troubler la quiétude presque religieuse du silence. Elle me griffe les avant-bras et le visage, elle s’arrache les ongles sur ma peau écorchée, mélangeant son sang avec le mien, mais je ne relâche pas la pression étouffante de ma main sur sa bouche.
Moi aussi, j’ai besoin d’émotions extrêmement fortes pour être en mesure de ressentir. Les choses qui semblent être si passionnantes aux yeux des autres me laissent de marbre, comme si j’étais aveugle ou anormal. Je ne suis pas insensible, mais il n’y a que les sensations les plus débridées qui passent au travers de ma carapace. Et Gabriella... ah, c’est la seule femme qui parvient à briser tous les murs froids de ma cellule mentale !
Je lui caresse doucement la joue, du haut de la pommette jusqu’à la commissure de ses lèvres charnues.
Ma belle Gabriella...
Elle brille si fort qu’elle me brûle.
Ça a toujours été le cas. Elle est la lumière de ma vie, je suis les ombres de la sienne. Son ombre, à elle, et rien qu’à elle. Si bien dissimulée dans son dos qu’elle ne me voit même pas.
Je la protège, je la guide, je la surveille.
Les autres hommes ne sont pas un problème parce que je sais qu’elle ne les aime pas. Elle se sert d’eux pour s’amuser, pour s’éveiller, ou se réveiller, et pour fuir le vide qui se creuse, inlassablement, dans son cœur aussi froid que le mien.
C’est notre couleur, notre passion, notre vision du monde. Rouge folie, pour elle et moi, jusqu’à manquer de souffle. Son piercing me fait le même effet qu’une cape écarlate agitée sous le nez d’un taureau en rut ; je suis pris d’une frénésie dangereuse, excitante, sanglante.
Elle est tout pour moi. Le soleil et la lune de mon ciel. L’ombre et la lumière de ma vie. Mon début et ma fin.
Elle est magnifique, ainsi abandonnée dans le sommeil, en totale confiance, certaine d’être en sécurité.
Oh, oui ! Elle est plus belle que toutes les autres filles avec lesquelles j’ai fait ça...
L’aube pointe à peine le bout de son nez et la résidence pour filles dans laquelle elle habite avec sa maudite colocataire est enveloppée d’un silence apaisant. Une chaleur bienveillante règne dans sa chambre colorée de toutes les nuances de rouge et je ne suis pas étonné de voir qu’elle s’est endormie complètement nue, ses tétons se dessinant effrontément sous le drap blanc et brodé de fleurs des champs.
C’est tellement calme...