— Mais tu es complètement fou !
Elle l'avait repoussé contre la portière du siège passager, avait hurlé des insanités. C'était à cause de ces insultes qu'il avait commencé à la frapper. Des coups de pied d'abord, puis des coups de poing. La voix dans sa tête lui avait dit de prendre son cou entre ses mains et de presser sa gorge. Il l'avait serrée, de toutes ses forces, jusqu'à ce que le corps de Dalia ne réagisse plus. La voix lui avait alors ordonné de déplier la lame à cran du couteau. Lui avait pleuré comme un bébé, imploré le pardon. Je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas. Mais la voix avait hurlé de ne pas s'arrêter, de continuer jusqu'à la fin.
Les amis sont la famille que nous choisissons pour nous-même.
Il prit le volant quelques minutes plus tard. C'était agréable de rouler la nuit dans Paris, de voir le scintillement des feux combinés des réverbères, des phares, des lumières des appartements en bordure et des éclairages des monuments aux lignes droites et épurées. La nuit révélait cette beauté subtile, cette élégance innée que Pierre affectionnait tant dans la capitale, sa ville d'adoption.
Quand les premières lueurs de l'aube pointèrent à travers la fenêtre, les quatre mouvements du concerto étaient composés. Il se leva, s'étira. Il se sentait incroyablement bien. C'était sa meilleure composition à ce jour. La voix n'avait plus besoin de lui dire ce qu'il devait faire ; il le savait désormais instinctivement.
Il s'installa dans un fauteuil, posa sa tête sur l'accoudoir. Un sourire étira ses lèvres. Il pensait à son œuvre. Un scène en particulier lui donnait le frisson : dans le deuxième mouvement, la jeune fille dont il racontait l'histoire s'apercevait du danger qui la guettait dans l'ombre. Les timbres graves des instruments à cordes s'intensifiaient, devenaient de plus en plus menaçants… La longue et fine silhouette de la fille se mouvait avec rapidité sur scène ; ses yeux innocents s'arrondissaient d'effroi. Sa voix, sublime, prenait un sinistre accent de désespoir.
Lorsqu'il s'endormit, serein, le visage de Lisa emplit son rêve. Comme son héroïne, elle comprendrait bientôt le long chemin de souffrance qui l'attendait.
...une journaliste du Parisien avait écrit : « L'avocat des parties civiles dans le procès de la bijouterie Maillet ressemble davantage à un mannequin du calendrier des Dieux du Stade qu'à un homme de loi. Grand, mince, les épaules larges et la taille svelte, on se demande si sa place ne serait pas mieux sur un terrain de sport que dans un tribunal.