Citations sur Le Petit Sapin de Noël (10)
Ils étaient mariés depuis près de vingt ans. Elle était fatiguée de ce mariage, fatiguée de Peter. Calme, content de lui, dénué d’ambition et de cette grâce de l’insatisfaction qui est la clé du progrès, il avait perdu son individualité pour devenir l’archétype de millions de maris. Mrs Carter allait vivre sa propre vie.
Elle portait des sandales vertes, ce qui suffit à expliquer les autres excentricités de sa conduite.
… la chiromancie me rend un peu nerveux. Il me semble parfois que ce n’est qu’un tissu de bêtises, voyez-vous, puis il est question d’un cas où elle s’est révélée véridique, et je ne sais plus que penser.
Il aimait lire, et observer les habitudes de ses semblables, à la fois bizarres et d’un naturel réconfortant. Il avait le sens de l’histoire. Il était capable de s’identifier avec force au passé vénérable de Chesterbourne, à son humble niveau. Il aimait marcher jusqu’aux ruines du campement romain dominant la ville, par une nuit d’été, et contempler à ses pieds les marais obscurs en se demandant l’effet que ce paysage pouvait faire à un soldat romain mort voilà deux mille ans.
C’était à peu près la cinq millième fois qu’elle brossait le chapeau de Peter, et ce serait la dernière. Ils étaient mariés depuis plus de vingt ans. Elle était fatiguée de ce mariage, fatiguée de Peter. Calme, content de lui, dénué d’ambition et de cette grâce de l’insatisfaction qui est la clé du progrès, il avait perdu son individualité pour devenir l’archétype de millions de maris. Mrs Carter allait vivre sa propre vie.
« Pendant vingt ans, notre vie a été une parodie de bonheur. Je veux épanouir ma personnalité, être libre, comme les autres femmes, vivre ma propre vie. Je veux échapper à cette existence terne et étriquée, qui me tue. Tu t’en contentes peut-être, mais elle est mortelle pour moi. Tu n’es pas comme moi… »
Elle n’avait jamais eu d’enfants. Elle avait toujours redouté qu’ils entravent sa liberté.
Elle était pleine de colère, non de honte. Être traitée comme l’une de ces petites gamines de l’antichambre, elle, une femme mariée ! Elle sortit d’un air majestueux, en tenant haut sa tête coiffée d’un chapeau trop jeune pour elle. Ses joues étaient en feu, ses mains tremblaient.
Elle n’était nullement choquée par les mensonges de la fillette, mais elle aurait vraiment été curieuse de savoir si elle avait une mère, et si celle-ci avait conscience de l’imagination dont sa fille était dotée. Il semblait à Miss Harting que ces trois enfants avaient besoin qu’on s’occupe d’eux. Malgré leur prononciation cultivée, leurs vêtements chauds et leurs manières charmantes, ils avaient l’air perdus.
Il neigea dans la nuit. Le matin de Noël, Miss Harting se réveilla dans cette lumière sans pareille qui s’élevait de la terre et brillait entre ses rideaux. Toute sa solitude et sa dépression avaient disparu. Elle se sentait aussi heureuse, aussi excitée que si elle allait festoyer.