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Critique de Zoeprendlaplume


Périphériques est un roman de William Gibson, paru en 2014. Soit 30 ans après Neuromancien, son chef d'oeuvre chef de file du mouvement cyberpunk.
On retrouve dans Périphériques ce qui caractérise l'écriture de Gibson :
- une SF non plus tournée vers l'espace, mais ancrée dans une réalité concrète, dans le quotidien de personnages;
des éléments cyberpunk, même si Périphériques n'est pas pleinement un roman cyberpunk;
- Une réflexion sur la disjonction entre progrès technologique et progrès social;
- une immersion totale du lecteur dans le récit. L'écriture de Gibson est minimaliste, sans descriptions superflues, avec des éléments de contexte réduits au minimum voire absents, et enfin une prépondérance dans Périphériques de dialogues au détriment du récit. Bref, un style qui perd rapidement son lecteur si celui-ci n'est pas attentionné ou pleinement concentré.

Concernant cette oeuvre, j'ai d'abord vu la série, avant de venir au livre. L'occasion de faire un parallèle et de voir comment les deux oeuvres se sont complétées pour moi. Si je pensais que le livre éclaircirait les zones d'ombre laissées par la série, je me suis bien plantée. D'une part, parce que Gibson n'explique rien et c'est au lecteur de tout saisir tout seul. Mais aussi parce que la série se révèle bien différente. J'ai eu la sensation d'avoir deux oeuvres distinctes, bien que partant d'un même terreau – comme si elles étaient deux fragments parallèles.


Les personnages de Périphériques m'ont beaucoup marquée. Parce qu'ils sont vraisemblables. Aucun personnage n'est gentil ou méchant, chacun a sa part d'ombre qui grandit ou pas selon le contexte et les événements, réagissant comme il peut. Chacun possède son passé, ses raisons d'agir, ses instincts. Et de fait, chacun se révèle bien difficile à appréhender clairement.
La série offre cependant plusieurs avantages par rapport au livre. Les personnages ont une présence qu'ils n'ont pas dans le roman, et les personnages secondaires sont plus nombreux et plus travaillés.
Car le roman se montre, dans la peinture des personnages, particulièrement évasif. Minimaliste. Comme si l'auteur n'en avait rien à faire du passé de ses personnages, de ce à quoi ils pensent, de leurs réflexions. Flynne traverse tout ceci avec un semblant de détachement qui paraît très froid et empêche totalement le quelconque attachement à son égard. Ca manque cruellement d'émotion, comme si les personnages étaient semblables à des périphériques vides.

Difficile donc de toujours rester bien accroché aux branches. Les éléments sont amenés petit à petit et c'est au lecteur de tout relier ensemble pour reconstruire le puzzle. Si la série fourmille de trames narratives, en comparaison j'ai trouvé le livre très vide en comparaison. Il faut donc, en plus d'être concentré, remplir soi-même les trous. Pas évident !
Quand je dis que le roman m'a paru vide, c'est qu'il est un techno-thriller assez classique, une fois enlevés tous les attirails SF intéressants. Un meurtre, une enquête, une scène pour confondre le meurtrier, le dévoilement d'un complot. Peu d'action donc. Entre la scène où Flynne est témoin du meurtre et celle de la fête organisée où elle se rend avec Wilf pour confondre le meurtrier, il se passe 450 pages, et c'est bien long. Techno je veux bien, mais thriller, bof. L'alternance Wilf-Flynne ne m'a pas passionnée non plus. En effet, les chapitres alternés sont trop rapides pour s'attacher ne serait-ce qu'une minute, et cette alternance est réglée comme du papier à musique. Trop plan-plan pour moi. Mais avec l'intuition que dans ces blancs, il se dit beaucoup de choses d'importance sur le plan des réflexions.

On est cependant dans une SF très différente de ce que peut attendre un amateur/novice (ce que je suis) de SF. Avec Périphériques, Gibson met en place un univers cyberpunk dans laquelle la SF est ramenée dans le quotidien réaliste des personnages, ancrée dans les bas-fonds et les marges de la société. Les personnages sont jeunes, un peu paumés dans leur vie de merde, aux prises avec des forces qui les dépassent.
Périphériques met donc en scène une SF qui questionne la réalité sociale des personnages. Par exemple, le roman comme la série peignent avec justesse le contraste entre ruralité et monde citadin. On voit déjà dans le quotidien de Flynne notre monde partir en vrille. J'ai particulièrement aimé la question des marchés financiers (et du poids de l'argent dans le monde de Wilf), ou celle du coût de la santé aux USA.
J'ai enfin beaucoup aimé la façon dont les individus interagissent entre eux dans le monde futur et appréhendent leur réalité. Je me dis souvent que nos technologies actuelles nous rendent particulièrement paresseux (nos Iphones et Alexa font tout à notre place, ou ChatGPT maintenant), et j'ai trouvé que Périphériques proposait quelque chose d'extrême en la matière; et quelque chose me dit que si technologiquement c'est pour l'instant de la SF, je pense néanmoins que l'Homme est déjà mûr pour accueillir à bras ouverts ces innovations.
C'est ça que j'aime aussi dans la SF, c'est qu'en nous présentant un monde futur potentiellement envisageable, on réfléchit beaucoup à notre présent maintenant - et on voit que souvent, l'écart entre les deux n'est pas si étendu que ça.

Plusieurs rapprochements peuvent être faits avec des oeuvres plus récentes. J'ai notamment pensé à Matrix, évidemment mais aussi Avatar.
J'ai adoré le concept de périphérique, déjà vu dans ces deux oeuvres (et sûrement dans d'autres). Un esprit dans un corps externe c'est connu. Mais ce qui m'a plu particulièrement c'est l'idée que plusieurs esprits peuvent habiter une même enveloppe.
J'ai également adoré la manière dont les sensations diffèrent entre humain et périphérique. Cette oeuvre contribue à brouiller les frontières entre homme et machine et propose un rapport au monde totalement nouveau (pour moi). D'ailleurs, le partage de sensations et de ressentis entre le périphérique de Flynne et Wilf dans la série est absolument génial. Incroyablement puissant, débordant, dépassant les limites de son propre corps.

En bref, pas toujours tout compris dans la série ni hyper enjouée pendant ma lecture, mais les deux additionnés m'ont procuré pas mal de réflexions passionnantes.

Sur la chronique de blog, je fais davantage de liens entre série et roman, et propose des liens externes pour prolonger le questionnement.
Lien : https://zoeprendlaplume.fr/w..
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