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Critique de 5Arabella


Gide écrivit ce court texte en 1907, qui paraît la même année en revue. Il sera publié en volume en 1912 avec cinq autres textes, et qualifié de traité. Toutefois à partir de 1945-1947 il figure dans une édition de Théâtre complet, sans semble-t-il d'opposition de la part de l'auteur. le texte a été joué, d'abord en Allemagne, à l'instigation de Rainer Maria Rilke, puis à partir de 1933 en France. A l'époque où écrit ce texte, Gide est poussé par certains de ses amis, en particulier Claudel, à se convertir au catholicisme. Son texte peut être lu comme une réponse à ces tentatives de conversion.

Le texte de Gide s'inspire de la Parabole du Fils prodigue (Luc, Chapître 15). Dans cette parabole, qui suit deux autres paraboles sur la même thématique (dont celle de la brebis égarée), un père offre une partie de sa fortune à ses deux fils. L'aîné reste et travaille dur pour son père, et l'autre s'en va, dilapide ses biens dans une recherche effrénée de plaisirs, et finit par devoir travailler pour un maître dur. Il revient vers son père, qui lui pardonne, et le reçoit fastueusement ( en lui faisant servir le fameux « veau gras », le plus beau de son troupeau). le vertueux frère aîné se révolte quelque peu, mais le père reste sur la position, et le chapitre.

Dans une première partie, Gide résume assez fidèlement la parabole biblique. Suivent quatre dialogues, entre le fils prodigue et les différents membres de sa famille. L'ensemble est censé se dérouler sur cinq jours, comme les cinq actes d'une pièce.

Le premier dialogue se passe entre le fils et son père. Ce dernier fait des reproches à son fils, sans trop le violenter. Pourtant, le fils avoue que finalement sa seule raison de revenir, est la misère qu'il a éprouvé dans sa vie d'errant, une fois sa part d'héritage dilapidée. le père met en garde le fils contre le ressentiment de son frère aîné, qu'il devra affronter le lendemain, et qui semble avoir pris le pouvoir à la maison.

Le frère aîné est en effet très virulent. le fils prodigue tente d'exprimer les raisons de son départ, pointe les différences qu'il sent entre lui et sa famille, en particulier son frère aîné. Mais il semble vidé de ses forces, de celles qui l'ont poussé à aller ailleurs, à explorer autre chose, et plie devant son aîné.

Le troisième dialogue a lieu entre le fils, et sa mère. Elle manifeste la joie de son retour, explique les larmes qu'elle a versées, l'espoir du retour qu'elle n'a jamais perdu. Et fixe une mission à celui qui est revenu : celle de convaincre (ou vaincre) le frère puîné, le dernier, qui ressemble à ce qu'était le fils prodigue avant son départ, de rester. de mettre en évidence l'échec de la tentative de quitter le cocon familiale.

Le quatrième et dernier dialogue réunit les deux plus jeunes frères. Celui qui se sent à l'étroit et rêve de s'échapper, et celui qui revient vaincu. Qui tente dans un premier temps de mettre en garde, mais qui finit par adhérer à l'envie de partir du plus jeune. Mais qui n'a plus la force de partir avec lui, même s'il lui donne des conseils, et presse son départ.

Gide détourne, pervertit, la parabole qu'il semble dans un premier temps raconter. le retour du fils prodigue est une échec, une abdication, une sorte de mort symbolique. La vie familiale paraît des plus étouffante, entre l'aîné qui prêche l'effort, l'ordre, la discipline, le renoncement aux plaisir, qui exige une sorte de conformisme et soumission, le père quelque peu absent, qui bien que plutôt généreux laisse régner son aîné avec toute sa sévérité, et enfin la mère, qui se sert de l'affect, de ses larmes, pour attacher et réduire. Celui qui revient n'a que le droit de rentrer dans le rang, de devenir comme les autres, de nier toutes ses différences et son individualité au profit des normes du groupe familial. L'originalité, la dissemblance du fils prodigue, comme du puîné, est vécue comme une menace, qu'il s'agit d'éradiquer. Etre différent demande un effort, une force intérieure, et le prodigue ne l'a pas, ou ne l'a plus. Mais l'espoir n'est pas perdu, car le puîné reprend le flambeau, et part tenter l'aventure. le texte s'achève donc sur une note d'espoir, et sonne comme une glorification de l'envie de vivre d'une manière qui n'est pas celle de son groupe familial ou social.
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