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Critique de Albina


Albina
08 septembre 2019
Je l'avais lu à l'adolescence et séduite par le style, émue par la détresse de l'écrivain qui parait se livrer avec une rare authenticité, je n'y avais vu que du feu...
À la relecture, j’ai envie de dire : j’y vois une écriture subtile, précise et lyrique pour circonscrire la confusion qui nous fait toucher du doigt cette capacité phénoménale que possède l'humain de se sublimer et de se mentir à soi-même.
La première partie retrace les évènements qui ont marqué son enfance et son adolescence et son entrée dans le monde des lettres.
Il est né dans de beaux draps : j'entends par là dans l'aisance d'une famille où l'on sait se tenir et où on ne consent pas, par exemple, à habiter dans des maisons sans portes cochères !
Il perd son père à 11 ans. Un père attachant et libéral dont il gardera la nostalgie. Sa mère, restée veuve, de religion protestante lui impose une éducation excessivement puritaine et rigoriste.
À l'école, il se fait harceler, voire torturer par un groupe d'enfants hargneux et violents. Pour être dispensé de classe, il feint une maladie nerveuse. Et cela marche. Très vite un mécanisme d'évitement se met en place, car on le devine par la suite, à des moments clefs de sa vie, il aura tour à tour des maux de tête, des fluxions de poitrine gravement invalidantes qui s'avéreront finalement être d'origine somatique.
Choyé par une mère assez bornée, mais aimante il sera confié à divers précepteurs choisis sans beaucoup de discernement. C'est d'ailleurs par ce biais que se développe un amour des lettres qui s'enracine dans un désir de transgression. Il rejoint assez tard l'école alsacienne où il rencontre Pierre Louÿs. Après son bac (en passant par le lycée Henri IV) et la confirmation de ses ambitions littéraires, il fréquente les salons parisiens et se lie avec de nombreux poètes : Valery, Heredia, Mallarmé.
Depuis l'enfance, il est amoureux de sa cousine Madeleine qui le repousse plus ou moins, mais dont il devine le profond chagrin lorsqu'elle surprend sa mère en situation d'adultère. Cet amour platonique parait sincère. Il n'y rentre strictement aucune sensualité. Avec du recul, on comprend que c'est un prétexte, que cela va lui permettre de retarder sa mue ou la prise de conscience de sa véritable sexualité.
C'est dans la deuxième partie qu'il se découvre et s'avoue clairement un penchant pour les hommes à l'occasion d'un voyage avec son ami Paul Laurens. Évidemment malgré le beau style, les scrupules et circonlocutions, il est impossible de ne pas être gêné. Non par l'homosexualité qui n'a rien d'illégitime, mais parce qu'il s'agit là d'enfant (ou de très jeunes ados) et de relations consentantes et… tarifées. J'ai envie de dire avec Camus que dans ce cas, un homme, ça s'empêche. Il y avait en lui, visiblement, une complète dissociation entre le désir voire la passion physique et l'amour. La rencontre avec Wilde est significative sur ce point, car ce dernier lui propose un rapport avec un adolescent de moins de 16 ans…
On voit qu'il se débat dans la confusion, qu'il lutte contre lui-même, écartelé entre un penchant qu'il tient pour naturel et ses convictions chrétiennes. D'ailleurs, il tombe malade. Il tentera plus tard de concilier les deux par un tour de passe-passe rhétorique qui donne naissance à des envolées lyriques qui paraissent – à la relecture – toujours aussi séduisantes, mais nébuleuses. C'est ce qui au demeurant est assez touchant. En gage de sa sincérité : quand sa mère meurt et en hommage sans doute à cette mère abusive qu'il affectionne malgré tout, comme s'il voulait à tout prix se racheter et terrasser ses démons, il se fiance à Madeleine. C'est sur cette note de renoncement et d’espoir que se termine le livre.
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