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Critique de Wyoming


D'abord, tous mes remerciements à Babelio pour m'avoir attribué ce livre, dans le cadre de la masse critique, et aux Editions du Détour qui me l'ont envoyé.

C'est une réédition en 2022 du récit publié en 1927 de ce long voyage effectué par André Gide entre juillet 1926 et février 1927. On y retrouve la qualité littéraire de l'auteur des Faux Monnayeurs, et, même s'il a opté de temps à autres pour de courtes phrases sans verbe, le style est là et c'est le premier plaisir de cette lecture. Il l'a rédigé au mode présent ce qui immerge encore davantage le lecteur dans la réalité de son vécu durant ce voyage.

Les descriptions de la forêt, des différents végétaux, des ciels et des nuages baudelairiens où ils évoluent, des nuits silencieuses et bruyantes à la fois, offrent toute une palette de sensations pour ceux qui recherchent ce dépaysement à la fois géographique et temporel puisque les moyens de déplacement en Afrique il y a une centaine d'années étaient bien différents de ceux dont on peut disposer aujourd'hui.

Gide évoque également ses lectures de voyage avec La Fontaine, Baudelaire dont il n'a pas emporté les oeuvres mais qu'il se récite en lui-même, mais aussi Molière avec le personnage d'Alceste et bien d'autres grands classiques.

Et, surtout, le grand intérêt de cet ouvrage est l'approche sociologique et humaine réalisée par Gide qui, tout en relatant ce qu'il a vu, en réalise une analyse sensible, humaine, émouvante de tout ce qui est enduré par les indigènes sous le joug des blancs et de nombreux noirs participant aussi à cette oppression.

Ainsi, on voit tout un peuple qui peine, souffre, qui est massacré par centaines, sans distinction d'âge ou de sexe, tout un peuple qui est mis au labeur, littéralement exploité, avec des femmes et des enfants qui réalisent des travaux de force, y laissant la plupart du temps une santé déjà fragilisée par les conditions sanitaires du continent et de l'époque.

Gide essaie autant que possible d'intervenir pour rétablir un peu de justice en soutenant tous ces opprimés, réussissant quelquefois à empêcher des exactions ou parvenant à en faire arrêter les coupables. Parmi ceux-ci, on trouve les grandes compagnies coloniales, à la recherche d'un profit passant par une forme d'esclavagisme des populations. Les blancs exploitent aussi les indigènes en ne payant jamais au juste prix les produits de leur agriculture ou de leur pêche, ou encore en leur faisant payer à un prix majoré les biens qu'ils doivent acheter. Gide donne des détails financiers très précis sur toutes ces injustices.

Son témoignage donne un livre très riche où la littérature côtoie les beautés et les douleurs d'une Afrique martyrisée par un colonialisme sans scrupules. Il garde toute sa portée de nos jours où de trop nombreux endroits du monde voient s'exercer des persécutions semblables, peut-être encore plus atroces, dans trop d'indifférence de par le monde.
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