Citations sur Dans le regard de Luce, tome 1 (30)
À écouter tant de rumeurs, vous allez passer votre vie dans les soupçons et l’esprit de vengeance. C’est tellement malsain!
"J’ai peur que cet homme qui semble porter la destinée de notre peuple sur ses épaules éteigne la joie de vivre de ma belle Luce. Quoi de plus essentiel à des enfants que de grandir dans l’amour et la joie? Hélas, je n’arrive pas à imaginer Pierre Bédard combler ses petits de tendresse et de gaieté."
Les regards envoûtés de son époux lui offrant son premier baiser en public furent accueillis avec grâce et dignité, pendant que, accroupis dans l’escalier, Jean-Baptiste et René-Flavien gloussaient comme des poules. Les convives levèrent leur gobelet de rhum au bonheur des nouveaux mariés. Ils furent ensuite invités à partager le festin de pâtés de toutes sortes, de pièces de mouton relevées, de ragoûts et de desserts délicieux.
De fait, la lucidité, l’intelligence vigoureuse et le sens rationnel de Pierre Bédard étaient reconnus tant par les parlementaires que par son entourage immédiat, et Luce en avait fait les bases de son consentement. Que d’efforts cet homme avait dû déployer pendant leurs fréquentations pour vaincre sa timidité, lui qui se percevait comme laid et maladroit.
Luce éveillait la convoitise de nombre de courtisans, et François ne l’ignorait pas. Contrairement à la majorité des pères de famille qui, pour des raisons pécuniaires, souhaitaient que leurs filles trouvent mari avant leur majorité, le Dr Lajus aurait préféré que son unique fille ne quitte pas la maison avant ses vingt ans.
" Ma vie aurait été tout autre. Comme celle dont mes parents avaient rêvé pour moi. Je dois reconnaître que mon désir d’obtenir justice pour le meurtre d’Olivier et de dédommager mon cher papa pour les souffrances qu’il lui a occasionnées ont pesé très lourd dans la balance. Mais Pierre m’a inspiré une grande fierté et il m’a donné trois beaux garçons, une source de grand bonheur dans ma vie. Qui sait si Joseph deviendra père un jour…"
À quarante-huit ans, Pierre en paraissait dix de plus tant la politique et les déceptions l’avaient affecté. Tel n’était pas le cas de Joseph, qui ne déplorait que la stérilité de son mariage, vieux de sept ans. Il menait de front sa tâche de député et sa pratique du droit avec une aisance enviable. Avec un naturel déconcertant, il enveloppa la main toute délicate de Luce dans les siennes en lui promettant un appui indéfectible.
À l’aube de ses trente ans, Luce s’autorisait enfin des fantasmes autrefois interdits. Leur goût de miel et la douce chaleur qui coulait dans ses veines la disposèrent aux avances de son mari, venu la rejoindre peu avant l’aurore. Sitôt satisfait, Pierre tomba dans un profond sommeil. Luce lui en aurait voulu si elle n’avait eu le sentiment de l’avoir trompé de la façon la plus sournoise, la plus honteuse qui soit. Mais s’en confesser ne lui parut pas souhaitable. Aborder la question des fantasmes avec les femmes du salon de Marguerite, les amener à des aveux sur le sujet, lui sembla moins lourd et plus adéquat.
Les compliments viennent plus aisément sur papier. Je l’aime tant, ce petit homme si ouvert à tout, si attentionné à l’égard de ses compagnons, plus encore envers les Hurons de son âge! Comme si, à sa naissance, les mains de mon accoucheuse avaient laissé une empreinte sur son esprit. La moindre injustice à leur égard le met en colère, et il se précipite à leur défense comme si c’étaient ses frères de sang. Je ne serais pas étonnée qu’il choisisse pour carrière le droit ou la prêtrise.
Nous devons nous défendre avec dignité, comme tu me le recommandais. Sans dire d’injures. Si on désapprouve une mesure proposée par le gouvernement, il faut le dire avec respect. Demain, je me chargerai moi-même de publier des excuses dans le journal.