La foule est de plus en plus dense. On est, malgré soi, saisi par l'animation, le bruit et les odeurs, la rumeur des bêtes parquées dans les enclos, chameaux entravés, ânes, chèvres et moutons, leur remugle auquel se mêlent les senteurs fortes des brochettes grillant sur les feux de braise, le parfum des brouets épicés et des galettes de riz arrosées de sauce piquante.
Sahara, terre de découvertes et d'interrogations. Sahara insaisissable.
Et de nouveau, droit devant, cette route qui n'en finit pas d'arriver nulle part, l'immensité désertique, la solitude.
La chaussée à perte de vue balayée par les filets de sable au ras du sol, investie dans les bosses par des congères aussi redoutables que des plaques de verglas.
Que de fantômes dans ce désert chauffé à blanc...
Le déclic, c'est aussi, parfois, le souvenir d'une lecture d'enfance qui resurgit, un récit haletant dont les illustrations faisaient frémir.
Pourquoi partir vers le grand sud? L'aiguillon de la curiosité, un zeste de mystère, le déclic d'une émotion.
Ils apprennent l'âpreté, l'inconfort, le luxe et la splendeur des grands espaces, ne gardent de leurs oripeaux d'Européens que l'essentiel, deviennent découvreurs sinon explorateurs d'un monde désormais accessible.
Ceux-là inventent l'itinérance, alliance de rigueur et d'improvisation, de parcours imposés, de détours imprévus, compromis subtil entre la marche balisée et le vagabondage.
Ensuite, viendra le temps de marcher au rythme des chameaux, le temps de l'effort et du silence retrouvé.