Le désert est ainsi, témoignant à sa manière de la beauté du monde, portant la trace de civilisations retombant en poussières, un paysage immuable balayé par l'éphémère où la mémoire du séjour des hommes s'efface avec une infinie lenteur, ce désert où l'on retourne encore et toujours, dont on croit avoir démasqué les mirages, déjoué les pièges, dont on a réussi à percer d'humbles mystères et qui, pourtant, demeure insaisissable, un lieu d'exception, celui de la magnificence et de l'effroi, le grand espace énigmatique.
Les cités du désert sont mystérieuses. elles sont dangereuses. Les découvreurs de villes mythiques, les explorateurs sacrilèges n'ont gagné leur pari que dans l'anonymat. Presque tous ont joué la carte du mimétisme, naïvement parfois, habilement souvent, prenant des risques toujours.
Les cités du désert fascinent par leur isolement extrême. Ce sont des lieux de vie exigus aménagés dans une immensité hostile, niches écologiques microscopiques, simples points d'eau devenus points de repère, points de départ et d'arrivée, points sur la carte.
Je ne me suis pas perdu, ce sont mes yeux qui m'ont trompé.
Un type de paysage à nul autre semblable. Un tassili doucement vallonné, ponctué ici et là d'excroissances chaotiques, monde fascinant sur lequel le voyageur le plus blasé ne se lasse pas de poser le regard.
C'est aussi le désert des métaphores anthropomorphes, les champignons phalliques, les mamelons et les croupes, le creux des dunes où l'on vient se nicher, l'érotisme du sable chaud.
C'est le désert des métaphores marines, les mouvements de la houle, les récifs battus par les vagues, les épaves englouties, les baleines échouées sur la plage.
L'attrait pour le désert est suspect.
Le thé apporte aux voyageurs un réconfort physique et moral, il est tonique et nourrissant, coupe l'appétit, désaltère aux heures chaudes, réchauffe aux heures fraîches de la nuit.
Faute de pluie, l'acacia maigrit, son ombre devient trompeuse, l'espace habitable se réduit sous une couronne de feuillage clairsemée, il faut se déplacer pour fuir la progression du soleil.