La clairière est magique. On y voit des lumières changeantes, on y entend d'étranges bruissements, des frôlements, des souffles évoquant des arpèges de la flûte de Pan, on y espère des rencontres peu communes. Pour l'artiste, le poète, le musicien, c'est un théâtre. La qualité du décor et le microclimat créent un biotope parfaitement adapté aux apparitions mythiques. Le vivant de la clairière n'a cure du rationnel. Avec un peu de chance, on y trouve licorne et lys martagon, chèvre-pied et chèvrefeuille, sabot-de-Vénus et Diane chasseresse, fontaine et nymphes au bain, ce qu'il faut de chair fraîche pour occuper le matin d'un centaure ou l'après-midi d'un faune. Scènes étonnantes, ô combien fugitives... Il suffit d'un coup de vent pour que disparaisse tout ce beau monde. Rien n'est plus fragile qu'un soleil de clairière.
Du bon usage des paysages : en profiter au gré des élans du cœurs, ne pas chercher à se les approprier. Il est dans la nature des choses que les grands espaces appartiennent à ceux qui les traversent. Y planter sa tente est légitime, s'y tailler un domaine serait arrogant. Les hauts lieux déserts où nous ne faisons que passer s'inscrivirent durablement dans nos mémoires. Nous les faisons nôtres, à notre façon, sans contrainte et sans attache.
Il y a trois ailleurs : celui de l'espace géographique, celui du temps et celui de l'imaginaire. Les romanciers et les poètes voyagent librement dans ces trois univers qui parfois se rejoignent.