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Critique de ClarissaDalloway


Louisa et Clem, deux soeurs que séparent quelques années et à priori tout ou l'essentiel, une certaine conception de la vie, le sens de la vie même. Elles sont comme deux flèches, ces deux soeurs, c'est du moins telles qu'elles m'apparaissent en refermant cet épais roman que l'on voudrait ne jamais vouloir finir, deux flèches tirées d'un carquois et qui fendent l'air, vibrantes et vives, mais volant à tout jamais dans deux directions différentes, quasi perpendiculaires.... Les lois de la physique voudraient qu'elles ne se rejoignent jamais, mais il n'y a pas de loi ni d'axiome pour l'âme humaine... Louisa et Clem restent liées même à des miles de distance, plus proches que jamais alors même que leur trajectoire respective les éloignent dans la distance, géographique comme existentielle.
Le titre français "Louisa et Clem" les lie, à juste titre, soulignant le noyau du roman, mais le titre anglais, l'original donc, saisit avec plus de finesse et de complexité le lien qui les enserre et les retient l'une à l'autre malgré toutes les apparences dès le début du roman. "I See You Everywhere", et même alors que tu n'est plus là, à tout jamais.
J'aime la citation que Julia Glass met en exergue de son roman, tirée de Green Grass de Tom Waits et Kathleen Brennan. Quatre vers qui révèlent déjà, subrepticement, subtilement, la tonalité tout en clairs et en obscurs de son roman :

"Ne me dis pas au revoir
Raconte moi le ciel
Et si le ciel tombe, crois-moi
Nous attraperons des oiseaux moqueurs".

Clem et Louisa, ou Louisa et Clem, auraient presque pu être la même personne, totalement schizophrène certes, partagée, scindée, une face pile, l'autre face, à la Janus, contradictoire au possible et pourtant...
Toutes deux font résonner dans leur vie la même question, celle du sens justement, de la vie, de leur vie et des limites de cette interrogation. Limites terrestres, matérielles auxquelles l'une d'entre elles se brûlera inexorablement les ailes, tandis que l'autre découvrira effarée, et apaisée in fine que le fantôme de son alter ego, aimée autant que détestée parfois même, ne cessera de la hanter et de toute évidence de l'accompagner. L'ombre et la lumière, l'être et le néant, le désespoir et l'espérance, les autres et la solitude.
Ne vous attendez pas à une banale fiction, divertissante certes, ce qui ne serait pas déjà si mal, mais bien à autre chose, de profondément plus complexe, humain, enthousiasmant, éprouvant et terriblement émouvant et "parlant" au plus secret de vous.
De chapitre en chapitre nous suivons ces deux soeurs, de trois ans en trois ans (une quasi petite éternité quand on a pas encore trente ans), puis de trois mois et trois mois tandis que les années passent, pour s'achever après une pause de douze ans sur le dernier chapitre, intitulé "Le dernier mot" qui n'est pourtant pas le dernier mot de cette histoire qui ne peut s'achever, vous vous en doutez, sur un point final... le dernier mot est ailleurs et il n'est pas celui que vous pensez...
Trois, le chiffre 3 domine et hante ce roman, 3 le deuxième nombre premier, celui qui fait écho et pas pour des raisons mathématiques, aux 33 ans de Clem, "nombre mystique - écrira Clem - si on a un penchant pour ces choses."
Mystique, initiatique..
Je me résous à grand peine à tenter de dépeindre ces deux soeurs platement, de manière plus pragmatique, tant l'exercice ne fera, je le sais, qu'aplanir le roman, l'écorner et lui retirer toute la belle profondeur et la complexité qui en font la richesse
Sachez toutefois, que si l'une est universitaire, passionnée par l'art, en quête de l'amour solide, fondateur, l'autre, Clem, la plus jeune est une casse-cou tout à la fois fragile et forte, l'un de ces êtres qui ne peut réellement se sentir vivant que dans la nature la plus extrême (que ce soir l'Alaska ou le Wyoming) en compagnie des bêtes les plus féroces. La nature, comme sa deuxième matrice en quelque sorte... Quant aux hommes, elle les collectionne, sans autre but que de partager un temps de son existence, comme une césure, un soupir, entre deux phases, deux mouvements...
Deux personnalités, deux divergences, deux interrogations qui s'entrechoquent et s'enrichissent par-delà les épreuves et les manquements, les incompréhensions aussi.
Un formidable portrait de l'âme humaine.
J'ai aimé jusqu'à dévorer ce livre, tout en prenant tout mon temps, paradoxe qui sied bien à ce roman...
Un grand et beau coup de coeur qui fait du bien à l'âme...
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