Parce que la tragédie, telle une fleur sombre et rare qui sème des graines, prolifère autour de nous.
Comme l'indique le titre, elles sont deux. Deux soeurs qui vont s'affronter, se tirailler mais aussi se confier et s'aimer. Au cours de ce roman, c'est leur vie respective qui s'étale sous nos yeux.
Huit étapes jalonnent le récit : des années 80 au nouveau millénaire, le lecteur passera donc avec Louisa et Clem deux décennies. Louisa, l'aînée, serait plutôt une artiste. Un brin bohême sur les bords. Clem, quant à elle, est une passionnée de nature.
L'une rêve de vie plus stable, l'autre de grands espaces et de liberté.
Au début du livre on se demande si un jour elles arriveront à se comprendre, et puis, la vie aidant, elles se rapprochent. Tour à tour oiseau craintif ou chat échaudé, elles ont tout de même du mal à se livrer.
Il faut dire qu'un passif existe. L'aînée Louisa a toujours cru, quand elle était plus jeune, qu'elle aurait toujours un ascendant sur sa soeur. Jouant à tour de rôle la main qui châtie et celle qui caresse, la relation entre elles était déjà ambigue et construite sur une rivalité.
Il est en effet question de rivalité dans ce roman. Entre les deux soeurs, mais aussi entre la mère et les soeurs. Comme si les femmes ne pouvaient s'apprécier sans éprouver de la jalousie.
J'ai eu du mal au début à trouver l'envie de continuer ma lecture. Même si ce sont deux caractères forts, cette rivalité m'épuisait. N'ayant pas de soeur, je n'ai pas connu ce type de relation, aussi l'identification à l'une ou à l'autre ne pouvait pas non plus me raccrocher à cette histoire.
J'ai donc été spectatrice du livre, de cette histoire, tournant les pages sans réel intérêt. Et puis, vers la moitié, cette rivalité s'atténue. Comme si la vie, avec ses revers de fortune, rapprochait ces soeurs.
Malgré tout, le plis était malheureusement pris.
Ces sémillantes femmes n'ont pas réussi à vraiment m'emporter dans leur tourbillon.
Et puis, à l'image de la citation au début du billet, c'est un livre triste. Triste à cause de ce panorama que l'histoire nous offre. Voir une vie entière brossée dans un roman me met le cafard. Parce qu'on voit toute la souffrance que peut contenir une vie, parce que c'est un condensé de la vie, comme si elle ne durait que le temps d'une journée.
Ces femmes ne seraient alors que des papillons.
Néanmoins, j'ai tout de même été émue par ces deux caractères, peut-être un peu trop sur la fin.
Pour moi, ce sont des personnages semblables à Don Quichotte. Ce sont des femmes qui se battent contre une jalousie qui n'a pas lieu d'être. Et puis, une fois le fil de la vie déroulé, elles se rendent compte que finalement c'était un combat inutile.
Etranges, ces choses dont notre esprit ne peut se détacher, des choses qui prennent une dimension invraisemblable et nous font trembler de peur. Je n'ai pas peur du noir, de l'altitude, des orages ou de la solitude. Ce qui m'effraie est une forme particulière de vanité. La peur de la futilité. La futiliphobie.
Pour lui le silence n'est jamais une menace. Je ne suis pas pareille ; je veux qu'on me pose des questions et qu'on me raconte, qu'on me félicité, me cajole, ou qu'on crie après moi. Là où il y a des mots, il y a des définitions. Les définitions aident à contenir le chaos.
Ma mère est déjà dans la voiture, au volant. Elle prendra un martini dès que nous arriverons au restaurant. Quoi de plus naturel ? Mon père monte la garde près de la portière ouverte, attendant que Ray et moi arrivions. En m'approchant, je vois qu'elle lui tient la main.
Ils forment l'image de vies qui s'écoulent ensemble et séparément, ensemble et séparément.
J'imagine leur mariage comme une double spirale, deux âmes qui s'enroulent autour d'un axe commun, jointes sans jamais se toucher. Nos vies, celles de Clem et la mienne, ont eu cette forme, elles aussi, pendant un temps. p.383
Plus ça change, comme on dit : je veux quand même rester le tyran bienveillant. Je veux briller davantage qu'elle, je veux être la plus sage, la plus intelligente, la plus aimée, mais je veux pouvoir garder un oeil sur elle. Elle est, après tout, irremplaçable. p.113
Les toits compriment l'esprit. Tout comme les matelas. Et le mariage, selon lui, est semblable à un vieux tapis. Quelle qu'en soit la beauté ou la valeur, qu'on y soit habitué ou non, il a besoin d'être aéré, il a besoin de repos après avoir été piétiné.
Je n'ai pas peur du noir, de l'altitude, des orages ou de la solitude. Ce qui m'effraie est une forme particulière de vanité. La peur de la futilité.
Je me trouvais donc là, avec tout le confort, tandis que Clem, exploratrice dans l'âme, s'accommodait d'une baraque de chantier sur la côte du Labrador, un endroit tellement désolé qu'il ne méritait pas plus qu'un point sur mon énorme atlas.
- Mon médecin dit que je guérirai.
- Comment penser que vous pourriez avoir peur de la vie! Il me serre contre lui.
Pourquoi n'écrit-on plus de lettres, des lettres manuscrites qui courent sur des pages et des pages, rédigées avec un torrent de points d'exclamation (le sommet de chacun : une larme soigneusement inversée) ? Ce sont des émotions que vous pouvez tenir entre vos mains.