On n’a pas choisi ce quartier pour son côté rupin. Pour nous, c’est juste un beau coin de verdure éloigné du boucan du centre-ville. Si l’on voulait supporter le choc, il nous fallait absolument un peu de nature à portée de main.
Ambuja sourit. C’est si rare. Elle remonte plusieurs fois le ressort de la boîte à musique en la collant contre son oreille. Soudain, elle la jette violemment à travers la chambre. Le petit automate se fracasse contre le mur.
Certains enfants gardent leur regard triste. En Irak ou en Afghanistan, les embuscades qui ont fauché leurs pères ont fait d’eux des pupilles du royaume. Lester s’éclipse dans un vestiaire. Il se débarrasse de son costume, de la barbe blanche qui lui gratte le nez et du coussin qu’il porte sur son ventre pour donner de l’embonpoint à son personnage.
Il voulait voir ce qu’était une prière du vendredi. Il s’intéresse au Coran. C’est quand même pas moi qui vais l’en empêcher. Elle me désigne de la main pour approuver mes remarques.
Elle s’asseyait devant le bassin aux nénuphars. La tranquillité de l’eau et le chant des oiseaux l’apaisaient. Nous avions de longues conversations sur l’art, la politique, l’état de la planète. On s’est échangé des confidences, livré des petits secrets. Je n’ai jamais été autant son fils. Elle n’a jamais été autant ma mère que durant cette période. Au fil des semaines, j’avais vaincu ma peur. Pas celle de la disparition, mais celle de la fin de vie. En domptant mes angoisses, j’avais aidé ma mère à combattre les siennes. Il n’y a eu ni larmes ni promesses sur le seuil de la porte. Elle est partie sereine, le sourire aux lèvres.
Dans sa bouche « la politesse du désespoir » prend tout son sens. Je ne sais pas s’il se rit vraiment de la mort. En tout cas, il le fait avec élégance, content de mourir « vivant » comme il dit. Son cœur inopérable va exaucer ses vœux. Il partira doucement, comme un poêle qui s’éteint, sans douleurs ni trous d’air dans la casquette.
Pour se venger, la traîtresse m’avait dénoncé. Apprendre mon infidélité de la bouche d’une pilleuse d’étagères, fût-elle experte dans la cuisson du rôti d’autruche, n’avait rien de très distingué. Samia était folle de rage. J’ai eu droit à une autre éruption, bien moins agréable, celle-là. Le coup de canif a mis du temps à cicatriser. Je suis prévenu. À la prochaine incartade, Samia me quitte sur-le-champ. Ce sera sans appel.
Samia n’a qu’un défaut. Elle souffre d’une jalousie amoureuse aussi flatteuse que pénible. Je ne peux pas lui en vouloir. Si la confiance est ébréchée, c’est entièrement de ma faute. Il y a quatre ans, à Nairobi, j’ai eu le malheur de succomber aux charmes d’une belle Italienne. Elle était venue collaborer à un groupe de travail sur le développement du tourisme à la baleine. J’étais seul. Samia fouillait les ruines d’un château byzantin sur les rives de l’Euphrate.
Sa foi est notre seul point de divergence, car de mon côté, difficile de faire plus athée.
Bourre-toi de protéines, viande, poisson… œufs, tout ce que tu veux au lieu de mâchouiller de la salade comme une tortue.