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Critique de Apoapo


Depuis son fameux Essai sur l'inégalité des races humaines, Gobineau est attaché à la renommée infamante de "père du racisme". Destin des plus injustes, outrage dont on pourrait croire que seule une postérité non-lectrice et chargée de préjugés (et de peu de capacité de mise en contexte sémantique du titre du fameux Essai) eût su l'affubler... Mais non! Déjà de son vivant, cet "orientaliste" (autre terme à remettre en contexte sans connotations péjoratives) grand voyageur, fin connaisseur d'une demie-douzaine de langues orientales, "connaissant à la perfection les paysages, les êtres et les moeurs dont il parle" dut subir de telles calomnies; et s'en défendit.
Car quelle était sa thèse si controversée, au fond? Que les civilisations ou ethnies (ça se disait "race" à son époque, et la connotation que l'on connaît ne remonte qu'à après le fascisme) sont diverses ("inégales", encore sans les connotations de jugement de valeur qui furent encore un fruit malheureux du colonialisme) et non comparables entre elles: en particulier non comparables en termes d'une ligne droite unique où les uns seraient plus arriérés et les autres plus avancés, dans un destin évolutif unique et positiviste (le mythe du progrès du XIXe siècle). Aujourd'hui, en anthropologie, cela est monnaie courante, même si Lévi-Strass a dû se battre contre ceux qui encore croyaient pouvoir comparer les Aborigènes avec des Européens de l'Age du Bronze... (Si j'évoque Lévi-Strauss, ce n'est pas un hasard, car c'est bien lui qui, dans Race et Histoire, autre essai qu'il faut lire avant de ou au lieu de polémiquer !, prend les défenses de Gobineau en termes de sa modernité!)
Mais du vivant de Gobineau, l'idéologie consensuelle était au contraire cet "universalisme" (noter cette étymologie criminelle: "un sens unique"...!), ce positivisme, ce sentiment paternaliste de l'Homme Blanc; et de là au "fardeau civilisateur", bien sûr, le pas était court... et dramatiquement réel - cf. les décennies de guerres de l'empire victorien en Afghanistan et d'autres exactions de l'empire tzariste en Asie centrale, notamment au Caucase et en Bactriane! -.
Venons-en à ces Nouvelles, donc. Issues du livre plus scientifique Trois ans en Asie, ce sont six nouvelles qui ont pour cadre le pays des Tcherkesses (Caucase) et surtout l'Afghanistan. Elles sont pleines de finesse, d'érudition, d'humour, et surtout d'une empathie psychologique qui rend totalement incroyable l'accusation de racisme. Car, contrairement à ceux qu'il appelle "les moralistes", Gobineau "amant de l'imprévu" et "avide d'émotions", est authentiquement respectueux, voire admiratif des "races" qu'il décrit...! Encore une leçon sur le fait qu'il ne faut être identique (ni même vouloir rapprocher l'autre de soi) pour être aimant...
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