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Critique de Electra


En 1982, Sarah, 22 ans quitte la France pour Uummannaq au Groenland. Ses parents et sa petite soeur Lisa, 14 ans, l'accompagnent à l'aéroport. Elle ne se retourne pas pour dire au revoir. de retour à l'aéroport six semaines plus tard, Sarah ne sera pas là. Elle ne rentrera jamais. Vingt-sept ans plus tard, Lisa, la petite quarantaine, décide de partir sur les traces de sa soeur. A travers le récit de ce voyage, Lisa remonte le temps et raconte avec ses propres mots, la souffrance liée à la disparition de sa soeur ainée. La lente désintégration de sa famille, son père dépressif, sa mère totalement détruite et Lisa, l'enfant oublié. Car l'absente absorbe toute l'attention. On ne parle que d'elle. On l'attend. Les parents refusent de quitter l'appartement, l'apparition du répondeur sera une solution de courte durée. Car Sarah va rentrer, c'est certain. Et lorsqu'on s'absente, on laisse un mot sur la porte. On lui envoie une carte postale. On fête son anniversaire. Mais Sarah n'est plus là et Lisa est effacée de la carte.

Valentine Goby m'avait envouté avec Kinderzimmer et la magie a de nouveau opéré avec ce roman. Toujours ce style très particulier et un immense talent pour évoquer avec pudeur les sentiments les plus forts, comme lorsque Lisa décide enfin de prendre sa vie en main. Elle a d'abord fui à l'étranger ce huit-clos effrayant, donnant des nouvelles à ses parents dont chaque appel finit par un silence pesant. Lorsqu'elle publie son premier livre et devient peu à peu connu, sa mère espère qu'elle évoquera sa soeur – elle ne comprend pas que sa fille cadette ait besoin d'exister par elle-même.
J'avais déjà évoqué le cas des disparitions inexpliquées pour un autre roman, tout aussi passionnant, Un après-midi d'automne, et j'ai retrouvé ici toute la souffrance, la douleur, ressentie par les familles. Ceux qui attendent, continuent de croire à un retour possible et puis les autres qui ont besoin d'avancer, de poser un voile sur ce drame. Je ne pense pas que l'un ou l'autre soit plus égoïste. Ainsi, si le père se réjouit à nouveau de l'arrivée du printemps, de la célébrité de sa fille cadette, il cache toute sa détresse à son épouse, qui elle, vit sa douleur comme un fardeau, une couronne d'épines. Très vite, les rôles s'inversent, leur fille devient adulte et prend soin d'eux. Lisa grandit, un jour elle a le même âge que sa soeur. Et puis, les années passent, et c'est à présent le temps d'aller, là-bas, dans ce pays du froid. Elle découvre un territoire dévasté et une population qui voit son avenir peu à peu disparaitre. le réchauffement climatique fait son travail. L'hiver dure moins longtemps, la chasse et la pêche sont pratiquement interdites. Les hommes dépriment, les suicides enflent et les chiens de traineaux deviennent leur souffre-douleur. Lisa retrouve les lieux correspondant aux photos prises par Sarah et dont les pellicules ont été retrouvées dans le sac à dos de la jeune femme, seule trace de son arrivée au Groenland.

Valentine Goby met les mots sur les maux, toujours avec grand talent et pudeur. Elle nous offre de surcroit un voyage dans ce pays mythique; tout au nord, loin de la civilisation. le soleil, la glace, le froid et la solitude. Un roman puissant et profondément humain. Peu à peu Lisa retrouve un visage, celui de Sarah s'efface dans cette immensité blanche. Magnifique.
Lien : http://www.tombeeduciel.com/..
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