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Critique de gerardmuller


Les âmes mortes / Nicolas Gogol

Pavel Ivanovitch Tchitchikov est un jeune fonctionnaire du régime, conseiller de Collège en titre . Il est ambitieux, souvent drôle, attentionné et séducteur. Il se déplace toujours avec son cocher Sélifane, un homme souvent entre deux verres, et son laquais Pétrouchka. Ils arrivent dans le chef-lieu de province et Pavel s'informe au sujet des notables locaux et curieusement de la santé générale de la population paysanne.
Après une semaine d'investigations et de réceptions pour se faire connaître, Tchitchikov se lance dans une opération inédite qui plonge la population dans la perplexité : acheter des âmes mortes, c'est-à-dire des serfs décédés mais toujours considérés comme vivants par l'administration. C'est l'heure de gloire de Tchitchikov considéré comme un homme très riche car il semble pouvoir tout acheter. Lui-même compte bien devenir millionnaire en faisant une bonne opération à la revente, et par la suite fonder une famille.
Mais les choses ne vont pas se dérouler exactement selon son plan et Tchitchikov doit fuir avant que son passé de fonctionnaire corrompu ne soit connu de tous et qu'il se retrouve, sous le coup d'un oukase, déporté en Sibérie pour y connaître le knout !
Dans l'Empire russe, le mot « âme » désignait les serfs mâles. C'est le nombre d'âmes qui déterminait la valeur d'une propriété ainsi que l'impôt foncier dont le propriétaire était redevable. Comme les recensements n'étaient effectués que tous les cinq ans, les serfs morts « vivaient » parfois des années dans les registres de l'État ; et les propriétaires continuaient de payer l'impôt par tête sur ces âmes mortes. Cette absurdité du système avait donné à des escrocs, dont fait partie Tchitchikov le héros du livre, l'idée d'une arnaque au crédit foncier. Ils achetaient d'abord des âmes mortes à prix minime, pour le plus grand bénéfice des propriétaires, ainsi dégrevés de l'impôt correspondant. Ils les plaçaient ensuite, fictivement évidemment, sur un terrain acheté à bon compte. Finalement, ils hypothéquaient le tout auprès du crédit foncier, pour la valeur d'une propriété florissante.
Ce n'est qu'en 1861 que le servage fut aboli.
Narrant sur un ton comique les mésaventures d'un petit escroc dans une province de l'Empire russe des années 1820, ce roman paru en 1842 est aussi une troublante dénonciation de la médiocrité humaine et est considéré comme une des oeuvres maîtresses de la littérature russe. Et même une oeuvre unique en son genre car accommodant la satire et la dérision à la poésie. L'auteur s'en prend aux propriétaires fonciers et aux fonctionnaires russes pour stigmatiser leur tendance à la réification et même l'animalisation des êtres, les serfs en l'occurrence, usant tour à tour du mode satirique puis du mode humoristique en recourant judicieusement à la métonymie, aux répétitions et à la parodie pour mettre en relief la corruption qui les anime, leur inculture, leur incurie et leur manque d'âme. Ce récit est aussi le magnifique portrait d'un escroc, d'un arriviste qui a passé sa vie à intriguer, à accumuler les malhonnêtetés et à épargner en vue du luxe et du plaisir. Il a même eu l'idée d'enlever la fille du gouverneur dont il se sentait épris. Sans parler des vols quand il était fonctionnaire des douanes, des intrigues nouées pour favoriser un mariage qui lui serait utile et la falsification d'un testament pour s'enrichir. Il est l'incarnation de l'homme d'affaires représentatif d'une bourgeoisie montante à l'époque de Gogol, un homme qui parcourt le monde comme un imposteur, hypostase du Mal, séduisant les âmes en leur faisant prendre le mal pour le bien.
Il n'est pas douteux que Gogol, tout en offrant dans ce roman une galerie de personnages hors norme et hauts en couleurs, présente un miroir de la Russie de son temps, - la corruption des élites et la misère des masses,- miroir de la société féodale exploitant les moujiks réfugiés dans leurs isbas, lançant en quelque sorte un cri de honte contre la plaie du servage.
C'est un fait divers authentique qui a inspiré Gogol dans ce roman, sur le conseil de son ami Pouchkine. La publication du livre fit scandale au sein des lecteurs russes de l'époque, même si Gogol n'avait voulu qu'écrire un roman comique, une sorte de farce sur la médiocrité humaine.
Quant à mon avis personnel, je dois à la vérité de dire que la lecture de ce roman est parfois déconcertante, inintelligible et bizarre. On est un peu perdu au milieu de cette foule de personnages et d'analepses dans le récit si bien qu'on se demande si Gogol lui-même ne s'est pas un peu perdu. Honnêtement, l'ennui est vite venu et je me suis accroché pour aller au bout des 444 pages.
Extrait : « Je ne crois pas au Russe raisonnable… si je vois un russe qui vit raisonnablement, travaillant et amassant de l'argent…je n'ai aucune confiance en lui…en un seul jour il dissipera tout dans un coup de folie…Tous les Russes sont ainsi…cultivés ou non ! …Quelque chose manque au Russe. Quoi ? J'ignore ! »
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