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Critique de Perlaa


2008, Janesville, Wisconsin, l'usine General Motors arrête  son unité de production laissant  sur le carreau plusieurs milliers d'ouvriers et partenaires.
Difficile d' évoquer un texte aussi fort, sans rapporter certains faits.
«Le jour où la Maison Blanche débarque en ville». S'il me fallait ne retenir qu'un chapitre de ce reportage ce serait celui-là. Il résume mieux que tout autre l'inertie de l'État, des états face aux situations locales de crise.
Dans ce vingt-troisième chapitre, Bob, le responsable du Job Center (agence pour l'emploi), attend l'arrivée d'un brillant économiste nommé par Washington sur les questions de licenciement /reconversion de l'industrie automobile. La classe politique nationale est en effet très préoccupée et à la recherche de solutions. Cela fait un an que Bob travaille à cette visite d'une journée. Lorsque le délégué débarque à Janesville la visite d'une journée a été réduite à trois heures et demie. Un tour d'horizon est dressé par les différents partenaires puis Bob, motivé, présente onze idées de subvention. le délégué, en tournée de consultation, s'engage à donner un coup de pouce, à développer des « partenariats». Reste à savoir pour Bob à quel interlocuteur s'adresser.. . Mais ce délégué est déjà sur le départ. Il quitte l'administration d'Obama quelques semaines plus tard pour une autre affectation. Un an s'écoule avant que le poste soit à nouveau pourvu. Bob ne reçoit aucun conseil, aucun argent arrive. Au bout d'un an Bob et son nouvel "interlocuteur cessent tout bonnement d'échanger."
Distribuer des milliards à des sociétés en difficulté s'avère beaucoup plus aisé qu'accompagner les communautés en souffrance . Malgré une bonne volonté affichée par l'état, les résultats ne suivent pas.
Les ouvriers, travailleurs choyés jusqu'ici et membres de la classe moyenne, sont renvoyés dans leurs foyers. Chacun tentera avec difficulté de rebondir afin de maintenir son niveau de vie. La plupart enchaîneront les boulots, la plupart du temps payés moitié moins, plusieurs tenteront des formations et des reconversions, avec des fortunes très diverses. D'autres finiront par accepter des mutations à des centaines de km de Janesville et deviendront des travailleurs exilés la semaine, des voyageurs de retour dans leur ville le week-end.
C'est le parcours d'une Amérique appauvrie. Tous les acteurs qui gravitent autour de ce drame sont présents, les institutions politiques et sociales, les syndicats, les associations. Tout cela est tristement classique et bien connu. Outre la très notoire insuffisance des organismes de santé accompagnant les personnes pauvres je retiendrai encore une donnée plus dramatique encore  : près de 1000 enfants se retrouvent sans endroit fixe où dormir ; 170 sont tout seuls sans adulte.

« Toute la distance qui sépare le Rêve américain de la réalité américaine ».Bruce Springsteen, p. 271.

On suit de nombreux personnages qui deviennent familiers. On lit ce portrait d'une Amérique en déshérence comme on lirait un roman. On reste accroché au sort des protagonistes. Amy Goldstein ne condamne pas, ne juge pas, elle constate et rend compte des non-dits sans accabler. Elle relate et tente de nous faire ressentir les difficultés que chacun rencontre. Son approche évite le triple écueil du jugement péremptoire mais aussi celui de l'engagement militant ou de l' apitoiement larmoyant. A contrario elle alterne les approches et la diversité des réactions. Un grand écart selon l'endroit où l'on se situe dans la chaîne sociale. Seule cible clairement identifiée : Scott Walker, gouverneur républicain tentant de monter les communautés entre elles et de faire voter une loi vouée à affaiblir la force des travailleurs et des syndicats. Cela pourrait être l'objet d'un documentaire filmé. Il aurait suivi et filmé pendant 7 ans ces rescapés de Général Motors. En 2016 le Wisconsin, terre traditionnellement démocrate, bascule dans le camp républicain. En dépit de tout, à Janesville, frappée par la catastrophe économique,  reste fidèle à ses anciennes valeurs, l'identité démocrate s'est maintenue.
Un témoignage accablant.
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