AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Henri-l-oiseleur


La lecture du tome III du Journal d'Edmond de Goncourt, de 1887 à sa mort en 1896, offre moins de plaisirs littéraires que les précédents. On y trouve moins de pages ciselées comme des émaux, moins de cruautés amusantes et peut-être même moins d'acuité de lecture et de jugement. L'homme vieillit, s'aigrit, le cercle de sa vie se referme sur des mondanités et des copinages littéraires plus ou moins sincères, jalousies, médisances, calomnies, dîners et rencontres rarement intéressants. Metteurs en scène, acteurs, actrices, directeurs de théâtre défilent, avec de puissants journalistes aujourd'hui bien oubliés. Cela trafique, marchande, négocie, et ce monde du théâtre joue un rôle décisif dans la carrière du romancier : comme Zola et tous les autres, Goncourt sait bien que ses livres imprimés n'auront de lecteurs que s'ils sont adaptés au théâtre. Ce volume est donc un document étonnant sur ce milieu à la fin du XIX°s. Le journaliste acquiert une influence déterminante, il fait et défait les succès, les échecs de la scène, la recette et les bénéfices de la salle. Un univers disparu de vieilles haines et rancunes recuites se trouve ici : l'écrivain prophète, le grand esprit dominant de 1830 est devenu l'esclave de journalistes illettrés, corrompus et malveillants. L'asservissement contemporain de la littérature à la presse commence ici, un peu plus d'un siècle avant nous. L'époque étant ce qu'elle est, M. de Goncourt est en plus d'un antisémitisme féroce, il se lie avec le Drumont de "La France juive" et du parti antisémite et suit de loin l'Affaire Dreyfus. Enfin, heureusement, il demeure l'esthète découvreur de l'art japonais qui savait charmer au tome II, mais les estampes et les objets cèdent la place à des considérations sur le marché des antiquités japonaises et sur les variations des prix. L'ère Meiji correspond en effet à un grand ménage par le vide des trésors du Japon ancien, qui affluent en Europe et en Amérique : un vrai marché se développe, et Goncourt côtoie Guimet, l'orientaliste fondateur du musée du même nom, une des merveilles d'aujourd'hui. C'est en somme un volume de journal : de l'ennui, des redites, des anecdotes, de bons endroits.

Un avantage suffira seul à faire acheter ce volume : l'index final des noms, de tous les noms figurant dans les trois tomes du Journal.
Commenter  J’apprécie          213



Ont apprécié cette critique (19)voir plus




{* *}