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Critique de Electra


Un premier roman français, en voilà une lecture éloignée de mon univers. Mais la Bretagne, la mer, la tempête et me voilà embarquée dans ce premier roman.
Aux côté de Jos Brieuc d'abord. Ce dernier a décidé de réaliser son rêve en se lançant dans une nouvelle activité professionnelle : taxi de mer. Et le bouche-à-oreille fonctionne plutôt bien, les clients se multiplient. Il fait ainsi la connaissance d'un couple, Josette et René. Ces derniers se rendent à l'hôpital de Brest car René a un cancer. Jos se lie d'amitié avec eux. La vie semble reprendre son cours. Sa femme l'a quitté il y a un an mais il vient de rencontrer Babeth, une jeune femme avec qui le courant passe bien. L'homme reprend du poil de la bête.
Ce n'est pas le cas avec Caroff, ce pêcheur dérive depuis des mois. Il ne sort presque plus en mer. Par un jour de tempête, il n'en avait fait qu'à sa tête et avait pris la mer. Mais il était revenu sans son matelot, âgé de seize ans. Depuis la communauté l'a renié. Il a tué l'un des leurs. Caroff a plongé. Il vit avec sa femme Marie, sa bouée de sauvetage et leur petite fille dans une caravane, loin de tous, sur un terrain vague. La petite , âgée de cinq ans, n'est pas scolarisée et lorsqu'il tente de reprendre une vie normale, il est vilipendé par les pêcheurs. Même une sortie en restaurant en famille vire au cauchemar.

Alors lorsqu'un homme lui propose de participer à une combine en échange d'une confortable somme d'argent, Caroff n'hésite plus. Il veut partir, loin, en Irlande avec sa famille. Il doit repartir en mer avec deux nouveaux matelots qu'on lui impose. Pas des marins, non deux jeunes de banlieue qui n'ont jamais mis les pieds sur un bateau. Ils se font appelés 180 et Tariq – enfin Toni et Yann. Leur première sortie en mer les calme immédiatement : la tempête, la houle et les deux sont malades comme des chiens. Mais le plan fonctionne et Caroff a repris confiance. Une dernière mission et ils seront libres.

Les deux histoires se jouent sous nos yeux, et j'avoue, j'ai été happée. On sait parfaitement qu'un jour la route de Jos va croiser celle de Caroff. Un roman « intensément maritime » me dit-on, et c'est vrai – Ronan Gouézec livre un premier livre aux odeurs d'embruns.
Et l'homme a du talent pour dresser deux portraits d'hommes touchants et profonds. Je me suis beaucoup attachée à Jos, moins à Caroff. Mais j'ai aimé toutes les sorties en mer de Caroff . Ce roman m'a marqué car il est rempli de bonnes choses, mais il souffre aussi d'erreurs de débutant. Lors de ma lecture, j'ai surtout ruminé contre l'éditeur, oui. Comme s'il était joaillier et qu'il n'avait pas assez bien taillé la pierre précieuse.

Les premiers chapitres m'ont en effet fait douter de la poursuite de ma lecture, finalement à la page 53, j'étais harponnée. le premier chapitre est vraiment ardu ! L'auteur a voulu traduire l'atmosphère d'un bar de pêcheur, mais il en fait des tonnes, deux pages et demi sur ce lieu de passage, c'est trop. Et il enchaîne avec la pluie – oui, il pleut en Bretagne, et là il fait tempête. L'écrivain glisse un paragraphe magnifique mais malheureusement il en rajoute, rajoute … pourquoi ? Une page et demi sur l'eau – ce n'est pas nécessaire. Certaines phrases sont superbes mais précédées ou suivies de phrases nettement moins bonnes (« La rue était encore sous domination liquide » par exemple m'a fait écarquiller les yeux) mais il enchaine avec ce sublime morceau :

"De tous côtés la percussion lourde de millions de perles d'argent… résonnait en une vibration, sans cesse, renouvelée, roulant, revenant, s'éloignant ..(…) Sur les lèvres le goût du sel, pour rappeler la présence de l'océan tout proche. Il pleut la mer, pensait-il."

Et il est encore meilleur lorsqu'il en fait moins, beaucoup moins. Lorsque son personnage est dans l'action, lorsque Caroff prend la mer. J'ai adoré ces pages, le style est plus léger, moins empâté. Excepté pour ces paragraphes où le lecteur entend les personnages penser – un procédé narratif que je n'aime pas beaucoup. Il faut faire confiance au lecteur pour qu'il comprenne de lui-même. On sent malgré cela un beau talent d'écrivain.

Du coup ma lecture a été en dent de scie, jusqu'à ce que je me concentre sur l'action et que je passe parfois en lecture rapide pour éviter de m'appesantir sur le style trop « lourd ». D'autres erreurs de jeunesse : la description de ces jeunes de banlieue, au début un peu trop caricaturaux (avec la conversion à l'Islam de Yann…) ou le soudain revirement de Toni qui, en une seule sortie en mer, semble avoir eu comme une épiphanie.

Et puis la fin, alors que le roman a pris un rythme intéressant, que la tension monte comme elle le doit, l'auteur nous livre un final trop rocambolesque, trop américain – ponctué de quelques métaphores très mal trouvées (lorsqu'une victime flotte et qu'elle en devient soudainement superbe par exemple). Une histoire qui aurait mérité une autre issue, pas forcément plus optimiste mais une fin travaillée différemment. Ici, c'est peu crédible et trop rapide. Comme si, cette partie-là n'intéressait plus personne.

Voilà, un premier roman prometteur, j'ignore si l'auteur reprendra la plume. Il y avait du très bon et du moins bon. J'ai choisi de ne garder en tête que le bon. Jos et Caroff et la Bretagne, et la tempête. J'aimé René et Josette, beaucoup moins les méchants, un peu trop simplistes. J'ai aussi aimé le goût du sel sur mes lèvres.

Lien : http://www.lanuitjemens.com/..
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