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Critique de glegat


« Un livre monumental d'une extraordinaire portée intellectuelle dont vous ne sortirez pas indemne et qui bouleversera à jamais votre perception de l'histoire humaine. »

Wahou ! Cet extrait de la quatrième de couverture est irrésistible. Il est bien fait pour attirer l'attention de tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'humanité, aux civilisations et à l'évolution de nos sociétés en général. Qu'en est-il vraiment ?

J'ai lu la totalité de l'ouvrage sans sauter une page soit 662 pages j'ai même jeté un oeil attentif sur la monumentale bibliographie (environ 100 pages), j'ai même lu les notes (en fait pas systématiquement surtout en fin de lecture). Je reste un peu sur ma faim. de quoi s'agit-il ? Quelle est la thèse des auteurs ? Écoutons-les :

« Ce livre tente d'ébaucher une autre voie, un autre récit plus optimiste et plus cohérent » (page 16).
« La grande histoire de l'humanité qu'on nous raconte depuis des années n'a rien voir avec la réalité. Il faut revenir sur nos pas, à commencer par l'idée selon laquelle l'évolution devrait être classée en fonction de stades de développement définis par des technologies et des modes d'organisation ; les chasseurs-cueilleurs, les cultivateurs, les sociétés urbaines industrialisées, etc. »(Page 17).

Les auteurs citent Turgot pour démontrer que cette théorie est devenue la doctrine officielle « Turgot soutenait que le progrès technologique est le principal moteur des grandes améliorations sociales. L'évolution sociale expliquait-il commence toujours par le stade des chasseurs-cueilleurs, se poursuit par celui du pastoralisme, puis de l'agriculture et se termine par la civilisation commerciale urbaine moderne » (Page 85).

« Aujourd'hui, un pourcentage infime des habitants de la planète tiennent entre leurs mains la destinée de tous les autres et ils la gèrent de manière de plus en plus catastrophique. Ce livre tente de comprendre comment nous en sommes arrivés là. (Page 104)

Les auteurs s'opposent à une thèse “officielle” qui tendrait à démontrer que le passage à l'agriculture qui a permis la formation de stock de denrées a rendu nécessaire de trouver des moyens de protection contre les pillards, nécessité qui aurait entraîné à son tour le besoin de mettre en place un système de domination aboutissant à l'émergence de l'État pour assurer l'ordre. C'est une fable répondent les auteurs (page 169).

Tout au long du livre les auteurs posent ainsi d'excellentes questions, mais sans y répondre réellement. Ils nous font voyager à travers 30 000 ans d'histoire en passant d'un pays à l'autre, d'une civilisation à l'autre, de tribu en tribu en s'attardant parfois sur tel ou tel clan ou chefferie dont il ne reste que quelques vestiges archéologiques pour tenter de montrer que les sociétés anciennes, comportant des effectifs réduits, avaient trouvé des modes de fonctionnement qui n'avait rien à envier à nos états modernes et qui au contraire étaient plus respectueuses des libertés individuelles. Les questions à résoudre sont reportées de chapitre en chapitre, les auteurs n'apportent pas de réponses définitives et semblent vouloir nous tenir en haleine en nous promettant à chaque fin de chapitre que le lecteur va enfin découvrir des réponses au chapitre suivant. La thèse défendue depuis le début du livre est que des implantations humaines ordonnées pouvaient connaître des extensions spectaculaires sans entraîner une concentration de richesses ou de pouvoir entre les mains d'une élite dirigeante. Une sorte d'éloge de l'anarchisme ? Pourquoi pas, mais peu convaincante néanmoins.

Ce livre témoigne d'une érudition brillante sur les centaines d'organisations sociales qui se sont développées de façon non linéaire à travers le monde sur plus de 30 000 ans, à ce titre il présente l'intérêt de nous montrer la diversité et la créativité des populations, des clans, des tribus qui ont du trouver des solutions pour résoudre les problèmes liés à la sécurité, l'alimentation, l'organisation pour la survie de leurs membres. D'une certaine manière il répond bien au thème annoncé dans le titre, ce livre raconte “une nouvelle histoire de l'humanité”. Toutefois il serait plus précis de dire qu'il raconte l'histoire de l'humanité d'une autre façon, sous un angle différent en mettant l'accent sur des modes d'organisation alternatifs à celui que connaissent nos états modernes. Il nous suggère ainsi que nous pouvons certainement envisager pour l'avenir d'autres modes de fonctionnement que celui d'un état centralisé dominé par le sexe masculin et qui tend à restreindre les libertés qui semblaient si appréciées par les anciens chasseurs-cueilleurs.

Pour terminer une petite citation qui fait écho à l'actualité guerrière de notre époque :

“Les humains ont une regrettable tendance à prêter une qualité quasi divine aux individus qui réussissent à exercer une violence gratuite, ou en tout cas assimilant cette dernière à une forme de pouvoir transcendantal…” (Page 501)

ou encore

Proverbe mongol : “On peut conquérir un royaume à cheval, mais il faut en descendre pour le gouverner.” (Page 566).
Une pensée que devrait méditer un certain président Poutine.

Un livre intéressant, mais ce n'est pas une révélation, un peu trop bavard, trop de faits exposés par rapport aux idées, lesquelles ne sont pas assez nombreuses ni assez développées.

- “Au commencement était… Une nouvelle histoire de l'humanité”, David Graeber et David Wengrow, LLL (Les liens qui libèrent) 2021, 745 pages.
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