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Critique de Levant


Voilà un ouvrage dans lequel j'ai eu du mal à rentrer, comme on dit. Non pas parce qu'il est ennuyeux ou déplaisant à lire. C'est l'atmosphère générale qui met mal à l'aise. Dans le contexte du régime de Franco, en Espagne au cours des années 40, le climat instauré par la chape de plomb de cette dictature a quelque chose de perturbant.
Mais à la progression au fil de pages, je me suis convaincu que cette entrée en matière ingrate, faite de suspicion, d'inquiétude, de peur, sur une intrigue qui ne démarre pas, était nécessaire à la compréhension de l'intention de son auteure. Et si l'intrigue ne démarre pas, c'est qu'il n'y en a pas. L'intérêt de l'ouvrage est ailleurs. Il s'agit de restituer l'état d'esprit du jeune héros, Nino, dans sa prime jeunesse, à une époque tragique de l'histoire de l'Espagne.
Nino est né avec la guerre. Il n'a connu que cela. Il soupçonne bien que quelque chose cloche dans sa vie. Une forme d'anormalité dont il ne perçoit pas encore les raisons, ni les tenants et les aboutissants. Il habite la maison-caserne avec père et mère qui lui vouent pourtant un amour sincère. Seulement voilà, ce père est garde civil. Un peu malgré lui, parce qu'il faut bien vivre. Son quotidien est de traquer le « rouge », parfois de l'abattre, en forme d'exécution sommaire. Non par conviction, mais parce qu'il est garde civil justement et qu'on ne lui laisse pas le choix.
Nino est un jeune garçon qui s'ouvre au monde. Il subit les tiraillements des grandes personnes. Il a compris que les cris qu'il perçoit au travers des murs de sa chambre témoignent de drames, dans lesquels il aimerait bien ne pas savoir son père impliqué. Il protège sa petite soeur dont il partage l'inquiétude et l'incompréhension. En qualité d'aîné il cherche à la rassurer, à la préserver de la perversité qu'il commence à entrevoir dans cette vie.
Nino va trouver des échappatoires à la vie de caserne, d'abord auprès de son confident, Pepe el Portuguès, mais surtout auprès de Doña Elena qui l'ouvrira à la lecture, des romans de Jules Verne en particulier.
Ce qui m'a rebuté au début de cet ouvrage est aussi ce qui m'y a retenu par la suite. La vocation de cet ouvrage est de faire appréhender par le lecteur la perception du monde de ces temps maudits, au travers des yeux et du coeur d'un jeune garçon, devenu mature un peu trop vite. L'objectif est atteint.
Se replacer dans l'état d'esprit et le coeur d'un enfant dans la prime adolescence est un exercice difficile. Il faut gommer les acquits de l'expérience de sa vie d'adulte, sa connaissance de l'histoire. Il ne faut donc pas s'étonner si l'on trouve dans le récit quelques traces de maturité qui trahissent l'innocence affichée d'un coeur encore vierge des défauts de l'humanité.
Dans un contexte que l'histoire de l'Espagne se plairait à faire oublier, Almuneda Grandes n'en restitue pas moins de manière émouvante la soif de compréhension et d'apaisement de son jeune héros. C'est restitué avec d'autant plus de succès que c'est fait sans angélisme ni misérabilisme, avec la pudeur qui caractérise la mentalité espagnole.
Le lecteur de Jules Verne m'a fait faire connaissance avec son auteure, espagnole et contemporaine, Almudena Grandès. Il donne le goût d'explorer le reste de son oeuvre.

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