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Critique de Williamine


Mont-Cinère est l'histoire de trois femmes, la fille Emily, la mère Cathy et la grand-mère Mrs Eliot qui vivent et meurent peu à peu du fait d'une sorte d'épidémie de folie avaricieuse.
Sorte de variante féminine de l'Avare, transposé dans la société américaine de la fin du XIX ième siècle, Kathy Fletcher, mène d'une main tant autoritaire qu'austère, la vaste maison de Mont-Cinère. Veuve, Kathy élève sa fille Emily sans paraître pleurer l'absence de son défunt mari. Tout au contraire, elle se complaît dans ce rôle de maîtresse femme qui veille à dépenser le moins possible. Terrorisée à l'idée de la moindre dépense, elle économise sur tout.
Et lorsque la mère de Kathy, Mrs Eliot arrive et demande à sa fille de l'héberger, Mrs Fletcher croît défaillir. Sa mère va lui coûter beaucoup d'argent. Elle a déjà renvoyé presque tous les domestiques.
Kathy songe même à vendre des meubles et objets décoratifs de la maison.
La jeune Emily s'insurge. Elle sait que sa mère n'est pas pauvre et que son père leur a laissé une importante somme d'argent. Elle considère que Mont-Cinère, qui lui reviendra à la mort de sa mère, lui appartient déjà et refuse que tout soit vendu.
Lorsque la grand-mère Mrs Eliot meurt, Emily accuse sa mère de ne lui avoir pas prodigué tous les soins nécessaires, soit par le manque de chauffage, soit en imaginant même qu'elle a pu l'empoisonner.
Emily qui ne supporte plus l'idée d'être privée de son héritage, se rend chez le voisin, un jeune homme père d'un bébé et dont la femme est morte en couches. Elle lui propose de l'épouser afin de devenir maîtresse de Mont-Cinère et d'obtenir de l'autorité de son futur mari, un moyen de pression sur sa mère. le jeune homme, abasourdi, accepte cet étonnant marché. le mariage a lieu dès le lendemain.
Cathy, la mère, se sent vaincue et déprit lentement. Elle finira par quitter Mont-Cinère.
Mais si la mère est écartée et donc « neutralisée », son avarice semble s'être déposée, telle une épaisse couche de poussière sur les meubles et dans la vaste maison. Elle a été transmise à sa fille Emily qui démontre alors l'ampleur de son égoïsme. Elle ne pense qu'à son héritage et traite le jeune homme par le mépris. Celui-ci se rebelle et fait valoir son autorité d'époux, qui le rend maître de Mont-Cinère, car ils n'ont conclu aucun contrat de mariage. Emily se trouve prise au piège.
Dans un accès de rage et de folie elle tente d'étrangler le bébé du jeune homme …
Emily est devenue aussi folle que sa mère. Les biens transmis et qui sont l'objet de cette convoitise effrénée, le domaine de Mont-Cinère en l'espèce, transmettent avec eux la folie de leur propriétaires.
La douce et gentille Emily du début du roman devient, subrepticement et par la magie de la plume de Julien Green, la jeune femme avide de possession qui tentera d'assassiner un enfant et périra tragiquement, par sa seule faute, au milieu de ses biens… !
Au-delà d'une réflexion classique sur la filiation, la transmission et les rapports familiaux, ce roman apporte aussi un éclairage original sur l'égoïsme et l'avarice. Les objets sont vus par leurs propriétaires comme un prolongement de leur personne, et quiconque tente de s'approprier ces objets attente à leur intégrité personnelle. D'où la violence extrême de leur réaction.
Ce roman du début de la carrière littéraire de Julien Green conserve une fraîcheur et une actualité propres aux chefs-d'oeuvre de la littérature classique.
A lire, pour découvrir Julien Green, dont le style magnifique capte et captive le lecteur, comme s'il s'agissait d'un thriller psychologique.
A lire aussi pour approfondir la lecture de son oeuvre foisonnante et protéiforme. Car si ses romans sont magiques, son autobiographie et son journal sont tout aussi envoûtants.
Un grand auteur, trop souvent oublié, à lire, relire et faire lire !!
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