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Critique de Eric75


Eric75
05 décembre 2013
Un ouvrage de plus sur la mécanique quantique, parce que oui, on ne s'en lasse pas, et parce que j'aime bien les chats, finalement, surtout celui du Schrödinger, tellement virtuel qu'il est impossible d'en être réellement allergique ! Son seul défaut, on le connaît bien à force : être à la fois mort et vivant, mort-vivant, mais on finit par y être habitué, on n'est pas chez Stephen King, et il n'est pas question ici de l'emmener dans un quelconque Simetierre même si ce chat zombi et zarbi est mis dans une boîte. Rien de bien terrifiant, donc.
Rappelons que l'expérience de pensée d'Erwin Schrödinger qui donne son titre au livre date de 1935, et que l'essai de John Gribbin, rédigé en 1983, peut paraître un peu daté quand on constate les fulgurants développements de la physique quantique depuis trente ans. A cette époque, une expérience menée par Alain Aspect à l'Institut d'optique à Orsay entre 1980 et 1982, montre pour la première fois la violation des inégalités de Bell et la non-localité des particules intriquées. Et cette expérience, encore toute fraîche dans les mémoires, est d'une portée absolument gigantesque. Elle valide l'interprétation de Copenhague de la mécanique quantique, apporte une réponse au paradoxe EPR et arbitre le match du siècle en faveur du Danois : Bohr : 1 ; Einstein : 0. La réalité se détermine au moment où on l'observe, et pas avant, car sans observation, elle n'existe tout simplement pas (je simplifie, mais en gros, c'est ça l'interprétation de Copenhague). Les variables cachées locales, prédéterminées, supposées compléter une théorie quantique encore inachevée, et auxquelles Einstein croyait dur comme fer, n'existent pas.
Dès lors, avant que l'on ouvre sa boîte, le malheureux chat est dans un état superposé assez inconfortable, à la fois mort et vivant. Brigitte Bardot, qui pige que dalle à la physique quantique, n'a pour le moment jamais protesté devant tant de maltraitance.
Sans trop s'appesantir sur les conséquences philosophiques et morales des états superposés et autres mystères quantiques, John Gribbin choisit d'adhérer à une interprétation « rationnelle » en vogue, permettant d'accepter l'inacceptable. Il adopte la thèse des univers multiples d'Hugh Everett. Bof, bof, voyez-vous tout ça n'est à mon avis pas très convaincant… un peu dispendieux et qui plus est invérifiable ! A la suite de quoi, l'auteur se disperse un peu dans des considérations qui relèvent plus de la science fiction que de la vulgarisation scientifique, et propose même des pistes de scénarios de roman ! Comparaison n'est pas raison et je vois dans ce mélange des genres comme une faute de goût (pourtant, que l'on ne s'y trompe pas, j'adore la SF). Une trentaine d'années plus tard, la non-localité et la téléportation quantique étant entrées dans les moeurs, ces considérations apparaissent aujourd'hui comme bien naïves. John Gribbin semble réagir sous le coup de l'enthousiasme et de l'émotion provoquée par les expériences d'Aspect.
De même, John Gribbin force un peu le trait quand il considère que son lecteur ne connaît que le modèle atomique planétaire de Rutherford, et met en garde sur une réalité de l'atome un peu plus complexe. Cette précaution parait aujourd'hui bien anachronique dans un ouvrage qui aborde brièvement l'interaction forte et le rôle des gluons (découverts en 1979), en annonçant que la chromodynamique quantique souffre d'un défaut majeur car elle résulte de mathématiques trafiquées « pour qu'elles correspondent à nos observations du monde » (page 296). Cette théorie, proposée par Hugh David Politzer, Frank Wilczek et David Gross, leur vaudra quand même le prix Nobel de physique en 2004 (mais en 1983, John Gribbin l'ignore, bien entendu).
Pour autant, certains chapitres exposent des idées et des phénomènes physiques souvent passés sous silence, comme l'effet tunnel, la superfluidité, le fonctionnement et les applications des lasers, des semi-conducteurs et des supraconducteurs (appelés ici superconducteurs), ou encore l'apport de la physique quantique à l'ingénierie génétique.
Ce livre au style clair et agréable, comme tous les ouvrages parus dans la collection Champs sciences, parvient au final à satisfaire le néophyte béotien (catégorie dans laquelle je me range résolument, n'ayez aucune crainte) à condition de ne pas en rester à cette seule et unique lecture, pour les raisons évoquées plus haut.
Un chat déjà bien échaudé, mais qui n'a plus grand chose à craindre.
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