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Critique de si-bemol


Lorsqu'à défaut de souvenirs, et en dépit des dénégations de ceux qui l'entourent, son instinct dicte à un enfant une vérité qu'aucune preuve contraire ne peut ébranler, c'est souvent le signe qu'il y a, quelque part, un secret bien caché, bien embarrassant et bien lourd…

C'est la situation dans laquelle se trouve le narrateur de ce roman autobiographique de Philippe Grimbert. Fils unique choyé par ses parents, il s'est inventé un frère aîné dont la présence réconfortante l'aide à surmonter ses peurs et ses chagrins. S'agit-il, comme pour beaucoup d'enfants d'une variante de “l'ami imaginaire” ? D'un compagnon plus âgé et plus fort, un modèle protecteur, à la fois complice et rival, capable d'épauler un petit garçon fragile, malingre, surprotégé et peureux et de l'encourager à se construire ? Ou bien s'agit-il, au contraire, de tout autre chose ?

Il y a dans certaines familles - et surtout dans l'immédiat après-guerre - des secrets pleins de larmes et de malheur qui sont comme des blessures mal refermées auxquelles il ne faut surtout pas toucher, et qui peuvent à leur tour dissimuler d'autres secrets - ceux du coeur et de ses intermittences - inavouables et troubles. Dans "Un secret", une vieille amie de la famille brisera enfin le silence et révélera la vérité interdite au fils devenu adolescent, qui dès lors pourra commencer à vivre : “Depuis que je pouvais les nommer, les fantômes avaient desserré leur étreinte : j'allais devenir un homme.”

Avec ce roman, récompensé en 2004 par le Goncourt des lycéens, Philippe Grimbert lève le voile sur le secret, tragique et infiniment douloureux, d'une famille - la sienne - et se confronte aux fantômes du nazisme, des rafles, de la déportation et de la Shoah, aux ambiguïtés d'un couple ainsi qu'à l'impossible reconstruction d'une identité juive traumatisée par la barbarie des hommes.

L'écriture, d'une extrême sobriété, ajoute encore par sa pudeur et son refus de tout pathos à la puissance de cette histoire autobiographique dont la mise en mots et la publication furent pour Philippe Grimbert, plus qu'une confession, un acte de résilience : “Comment oublier les petits, ombres sans sépulture, fumées planantes sur des terres hostiles ? (...) l'idée de ce livre m'est venue. Dans ses pages reposerait la blessure dont je n'avais jamais pu faire le deuil.”

Un livre poignant, sombre et beau, de ceux que l'on garde longtemps en mémoire.

[Challenge MULTI-DÉFIS 2019]
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