Le psychotique dénonce […] un double jeu : on me devine, on m’imite, alors que moi je ne devine et n’imite personne.
L’existence obsédante des autres traduit leur présence métaphysique, plus réelle à travers ces êtres hallucinés que ne l’est jamais leur présence physique.
Henriette s’esclaffe […] quand elle raconte sa persécution, parce que effectivement c’est drôle d’en parler ainsi, pour elle je ne sais pas trop, mais en tout cas pour un tiers, d’entendre et de voir quelqu’un qui se dit pincé par des êtres invisibles. Elle imite et précède le rire de ce vis-à-vis, en quelque sorte par anticipation.
La voie de la sémiologie et des mécanismes ne mène nulle part si ce n’est à des subtilités cliniques de plus en plus précises mais sans signification.
Selon [certains patients], c’est un sentiment permanent d’adhérence passive aux autres, être deviné et imité et réciproquement. D’autres plus explicites perçoivent une pénétration particulière au croisement des regards, une impression d’immédiateté dans les contacts puis dans tous les échanges. La compréhension mutuelle devient instantanée.
Automate monstrueux, le psychotique doit […] se régler lui-même sans cesse sur les autres comme une machine, alors que le propre de cette machine est de fonctionner machinalement : nous retournons en macro-sémiologie.
La soumission dissimule mieux que toute autre stratégie un projet d’autonomie, comme inversement l’autonomie affichée rend esclave des autres et de leur regard.
Si les patients apprennent quelque chose au sortir de ce cataclysme, c’est qu’ils n’ont pas changé et en tout cas que rien n’a changé dans le monde. […] A ce titre pour ceux qui les ont accueillis si mal en point, ils paraissent souvent paradoxalement assez changés, mais cela tient à notre propre fascination. Tout le travail, pour nous comme pour eux, dans une réflexion partagée, n’est-il pas de sortir de la fascination centrale, par retour à l’état antérieur ?
« Tout le monde s’occupe de vous, vous êtes au centre de tout », etc. Comme d’habitude, ces phrases ou d’autres du même acabit déclenchent aussitôt quelque chose. Chez Jacqueline c’est un rire libérateur et en même temps un peu retenu. C’est un oui ponctué d’une reconnaissance hilare, véritable commentaire implicite « en le disant vous me permettez de vivre ça tel quel, bien que je sache cela interdit et contraire au bon sens commun ».
[Les techniques psychothérapeutiques de décontamination affective], tout cela copie et reprend à sa façon l’extériorité empirique des sociétaires issue de l’individualisme et de l’indifférence généralisée qui en découlent.