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Critique de beatriceferon


A Binche, le mardi gras est une institution sacrée. Les Gilles se lèvent très tôt pour se préparer, car bourrer de paille leur costume est tout un art. Cédric Lebarnier est fin prêt pour rejoindre ses amis qui doivent déjà l'attendre sur la place. Un coup de sonnette. Ouf, son tamboureur est à l'heure. Tous deux s'engagent dans les ruelles encore sombres à cette heure matinale, quand soudain une ombre se dresse devant eux et les agresse avec une violence inouïe, avant de se fondre dans la nuit, laissant toutefois son masque dans la main d'une des malheureuses victimes.
Le roman s'ouvre donc sur une scène particulièrement horrible après laquelle, pauvre âme sensible, j'ai dû pendre un petit moment pour me remettre. Aussi le lecteur est-il surpris de se retrouver, au chapitre suivant, en pleine liesse populaire. La fête bat son plein et Stanislas, qui était venu dans la région pour affaires, en profite pour marteler le sol en cadence et avaler maintes flûtes de champagne.
Sacré personnage que Stanislas Barberian. Je l'ai découvert dans le premier volume de ses aventures, paru dans cette nouvelle collection Noir corbeau, dont j'ai pris plaisir à lire tous les titres parus à ce jour. Et j'ai eu le temps de m'attacher à lui, puisque « Orange sanguine » est déjà sa troisième apparition. Ce qui me plaît chez lui ? Non seulement il est malin et voit ce que les autres ne remarquent pas, mais c'est aussi un bon vivant. Il est bien agréable de sillonner les villes en sa compagnie, à la recherche d'une table typique et de savourer d'alléchantes spécialités, le plus souvent régionales. Évidemment, ce qui m'attire le plus, c'est son métier et celui de Martine, sa fiancée, car tout ce qui touche au domaine des livres me passionne.
Ce nouvel épisode permet au lecteur curieux de marcher à sa suite dans les rues de Binche, qu'on a d'autant plus de plaisir à explorer que Francis Groff a eu la bonne idée de publier sur sa page d'auteur les photos des principaux endroits repérés par notre ami. Plaisir pour ceux qui les connaissent de les considérer d'un oeil nouveau et motivation pour les autres à aller les parcourir. J'ai pourtant regretté de constater que, si Stanislas passe par deux fois devant le musée du masque, il n'y met pas les pieds. Qui sait ? S'il avait eu la curiosité d'en pousser la porte, peut-être aurait-il eu la chance d'une visite guidée par mon amie Laurence, qui est un véritable puits de science.
En revanche, sa déambulation le mène vers un charmant petit cimetière, car il est, tout comme moi, « passionné par ces lieux qu'il photographiait souvent au gré de ses voyages ».
Francis Groff a le chic pour intégrer à ses récits quelques détails historiques et architecturaux qui mettent en valeur la vie de la région et il est très documenté à propos de certains faits divers qui ont, en leur temps, défrayé la chronique Ainsi place-t-il dans la bouche d'un de ses personnages une relation très claire de l'affaire des « négriers de la construction » qui m'avait pourtant paru très compliquée. J'imagine que l'auteur l'arrange à sa sauce, évidemment, mais on y retrouve des cadavres dissous dans l'acide ou coulés dans du béton (et le « parrain » qui, si je ne m'abuse, se nommait en réalité Bongiorno a été transformé en Buonasera, ce qui prouve que, même dans l'évocation d'un épisode aussi sordide, l'auteur garde son sens de l'humour.)
Francis Groff ne craint pas non plus de malmener son héros. Aussi, dans cette histoire, le pauvre Stanislas en prend pour son grade. A tel point que le lecteur effrayé craint que cette aventure ne soit sa dernière. Quant à son honneur, il est, lui aussi, mis à mal. Mais tant pis pour lui. Voilà où ça le mène de boire plus que de raison ! D'autant qu'il n'hésite pas à reprendre le volant après avoir vidé quelques verres d'une excellente grappa.
Certains épisodes m'ont fait bien rire. Ainsi, on se figure bien la tête du chien qui présente à son maître un visage innocent et dirait, s'il pouvait parler : « Ce n'est pas moi. Je n'ai rien fait. Je ne sais pas du tout comment ce plat est tombé. » Ça sent le vécu, je peux vous l'assurer. Et j'ai une certaine expérience avec mes deux chiens et mes quatre chats !
Des allusions littéraires très réussies se glissent dans le récit, tel ce portrait d'un patron de pizzeria dont le numéro semble « du Pagnol revu par Andrea Camilleri » On croit l'entendre. Sans oublier un clin d'oeil à sa propre production, puisque Stanislas prend « son carnet quadrillé dans lequel il notait régulièrement – toujours au crayon - les idées ou les projets qui lui passaient par la tête. » (On pense, bien sûr, à « L'homme qui écrivait au crayon »)
Enfin, un épisode m'a replongée dans le passé, tandis que ma soeur et moi mangions dans un petit restaurant grec. Voilà que les clients de la table voisine interpellent la serveuse en reprochant avec aigreur à leur purée d'être de fabrication industrielle. C'est à cet instant que le patron jaillit telle une tornade de sa cuisine et menace les malheureux de façon si effrayante que nous nous efforcions de nous transformer en souris. Il se tourne alors vers nous avec un grand sourire pour savoir si nous sommes satisfaites de notre repas. Nous nous sommes écriées que oui, bien que lui n'ait eu aucune arme à la main, et n'avons plus jamais mis un pied dans cet endroit.
J'ai donc passé un excellent moment en compagnie de Stanislas, et, s'il poursuit son tour de Belgique, je peux affirmer que je serai à ses côtés avec la plus grande joie.
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