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Critique de beatriceferon


Éloi Taminiaux, ancien professeur d'histoire de l'athénée François Bovesse, est aujourd'hui à la retraite. Il peut donc consacrer tout son temps à des recherches en vue de la publication d'une nouvelle biographie de Félicien Rops. le savant a déniché un précieux manuscrit qu'il souhaite faire authentifier et sollicite donc les lumières de Stanislas Barberian, libraire expert en documents anciens et enquêteur à ses heures. C'est curieux, Stanislas ne trouve personne au rendez-vous. Et pour cause : à quelques pas de là, Éloi gît dans une mare de sang et son cadavre a été disposé selon une mise en scène macabre et satanique.
J'aime beaucoup les romans policiers et suis très attachée à nos auteurs belges. Les éditions Weyrich viennent de créer la collection « Noir corbeau ». Bien évidemment, je me suis jetée sur les trois premiers volumes parus. Avec des bonheurs divers. Mais c'est une autre histoire. Parmi ceux-ci, j'ai vraiment apprécié « Morts sur la Sambre » et j'étais curieuse de voir si Francis Groff allait poursuivre les enquêtes du sympathique Stanislas Barberian, en l'envoyant dans diverses villes de notre pays. En effet, je ne me suis pas encore remise de la frustration que j'ai ressentie en entamant la série créée par Dulle Griet. Je pensais que celui-ci entreprenait là une fresque d'ampleur qui baladerait ses personnages dans les dix-neuf communes de Bruxelles, à l'instar de Nestor Burma dans les arrondissements de Paris. Hélas, après deux volumes, plus rien ! le mystérieux auteur qui se cachait sous ce pseudonyme breughelien serait-il... mort ?
Aussi, je ne vous décris pas ma joie en découvrant une nouvelle aventure de Stanislas Barberian si rapidement après la précédente. Et qui plus est, le cadre de celle-ci est ma ville de coeur, Namur, et concerne un artiste que j'aime beaucoup.
Mon premier plaisir de lecture a donc été de me promener dans des endroits que je connais bien et que j'ai donc pu facilement visualiser, contrairement à « Morts sur la Sambre », car je ne suis pas familière de Charleroi.
Les pages d'ouverture font sourire. Elles racontent les déboires d'Éloi Taminiaux lorsqu'il exerçait encore son métier d'enseignant. « En raison des longs favoris et de l'épaisse moustache tombante qui lui mangeaient le visage », notre homme avait hérité du surnom de « Vercingétorix ». Hélas, pour faire plaisir à son épouse, ce valeureux Gaulois se rase et déclenche une révolution au sein de l'établissement. « Partout aux tableaux d'affichage, sur les murs de la longue façade, dans les classes et parfois même au tableau, des inscriptions avaient fleuri sur le thème de "Rendez-nous notre Vercingétorix" ». le pauvre homme était même victime de la colère de ses élèves, auxquels il était pourtant tellement attaché. Ceux-ci le boudaient, ne lui parlaient plus, l'évitaient même dans les couloirs ! Aujourd'hui, après plus de quarante ans d'enseignement, Éloi a obtenu, pour prix de son dévouement, le droit de conserver son bureau à l'école, dans lequel il entrepose une ahurissante documentation, impossible à caser dans son modeste appartement. Elle est, en grande partie, consacrée à son sujet d'étude préféré : le sulfureux peintre et graveur Félicien Rops.
C'est ainsi que Francis Groff permet à son lecteur de s'attacher à l'érudit, qui a même réalisé un atelier d'artiste plus vrai que nature, et si bien décrit par notre écrivain, qu'on est triste de penser qu'il l'a imaginé. On aimerait pouvoir le visiter !
Malheureusement, par une méchanceté dont sont coutumiers les auteurs du genre, Francis Groff nous pousse à aimer Éloi pour mieux nous désoler d'assister, impuissants, à son assassinat mis en scène de façon théâtrale.
Bien évidemment, pour qu'il y ait enquête, il faut un mort. Et, si celui-ci nous laissait indifférents, pourquoi aurions-nous envie de poursuivre le tueur ?
Mais Francis Groff ne se contente pas de mener une banale petite investigation. Son récit est truffé d'anecdotes et explications historiques fort instructives, qu'il intègre habilement à l'histoire sans en faire d'ennuyeuses digressions scolaires, comme c'est le cas pour d'autres ouvrages que j'ai lus, mais dont, par charité, je tairai le nom des auteurs. (On a parfois l'impression d'avoir affaire à des extraits de guides touristiques ou encyclopédiques!) Ici, j'ai, par exemple, retrouvé avec plaisir, un épisode que j'ai moi-même bien souvent expliqué à mes élèves lorsque Baudelaire était venu rendre visite à son ami illustrant sa plaquette « Les Épaves ».
On apprend (c'est du moins mon cas) énormément de choses à propos de Rops, sa ville, la Franc maçonnerie, l'extrême droite, le marché de l'art, les avatars du casino local.
J'ai débusqué avec amusement quelques clins d'oeil aux autres auteurs de la collection (Gidéon et Victoire imaginés par Ziska Larouge, que j'aimerais bien retrouver, eux aussi, dans de nouvelles aventures, ou le trio de buveurs de Gigondas rencontré chez Christian Libens), sans oublier quelques allusions à la précédente enquête de Stanislas, que j'avais dévorée. Ce dernier prend de l'épaisseur. Il n'est pas seulement le propriétaire de « La Malle aux livres », toujours à l'affût d'une édition rare ou de titres convoités par ses clients. C'est un fin lettré qui jongle avec des thèmes érudits très variés. C'est un amoureux qui ne dédaigne pas le marivaudage, puisqu'il a une impressionnante liste de « fiancées ». Enfin, à présent, il est attaché à Martine, l'aimable libraire du « Vieux lutrin », et pour longtemps, j'espère,car je l'aime bien. C'est aussi un gastronome qui nous met en appétit en parlant avec gourmandise des spécialités régionales qu'il ne manque pas d'aller déguster dans les établissements des endroits qu'il visite. S'il est sérieux et cultivé, il n'en est pas moins distrait, ce qui donne lieu à une scène comique dans l'hôtel où il loge et que le préposé à l'accueil n'est pas près d'oublier !
La liste des aspects attrayants de ce roman est encore longue, mais je vous laisse le plaisir de les découvrir par vous-mêmes lorsque vous le lirez, ce que je vous recommande chaudement.
Cerise sur le gâteau, comme je n'avais pas eu la chance de le trouver dans la librairie à laquelle je m'étais adressée, l'auteur a eu la gentillesse de me l'offrir, avec une aimable dédicace en prime. Ce dont je lui suis très reconnaissante. Un immense merci à lui, donc, pour ce bon moment de lecture qu'il m'a réservé.
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