On connaît mieux le film avec Robert Mitchum en chasseur d'enfants obstiné, pour récupérer les dix mille dollars volés par leur père. Unique film -et chef d'oeuvre absolu -de l'acteur
Charles Laughton, tiré de ce roman policier sur fond de dépression économique.
L'auteur est surtout connu pour ce roman noir malgré des nouvelles adaptées par
Hitchcock à la télévision, d'après Wikipedia.
Ce qui frappe d'emblée, à la lecture du roman, c'est bien sûr la structure très différente du film. On en admire d'autant plus la façon dont le film a réussi à être cohérent en une heure trente-trois. Tout est dedans mais pas forcément dans le même ordre. Ce qui est narré sur plusieurs pages peut n'être qu'une allusion à l'écran. Par exemple, on commence par une scène où Ben Harper – le chanteur célèbre y fait-il référence ? – vient d'être pendu pour le meurtre de deux personnes lors du cambriolage d'une banque. Les enfants, cruels, chantent devant John et Pearl un air moqueur sur la pendaison : « Hing, hang, hung » qui donne en français : « pendi, pendant, pendu… ». Puis l'auteur qui choisit le point de vue de John – comme le film- opère quelques flashbacks sur le mariage de Willa et Ben et leur installation dans le village de Cresap sur l'Ohio, fleuve omniprésent qui représente seul le rêve enfantin d'horizons nouveaux avec son débarcadère, le bateau-ponton d'Uncle Birdie, double bienveillant mais alcoolique romantique de Rachel Cooper, la bonne fée, grands -parents substituts de parents absents pour qui les enfants ne font que des bêtises ou mentent constamment. Il y a du
Mark Twain dans cette description d'enfants souvent livrés à eux-mêmes au bord d'une rivière où passent les steamers.
On trouve tout dans ce roman-phare : le passage de l'enfance à l'âge adulte (John), le rêve et le cauchemar, les aspirations et les déceptions, la cupidité salace et la pudibonderie factice et frustrée (Harry Powell), la religion et l'hypocrisie, et bien sûr pour englober tout cela, l'amour et la haine, tatouées sur chacun des doigts du pasteur maléfique. Comme beaucoup de psychopathes, il pense agir au nom de Dieu qui lui dicte ses actes. Il tue les femmes veuves, mal incarné depuis Eve, au nom de la religion qui ainsi justifie tous ses vols. Dieu pourvoit à tout !
On y trouve aussi de nombreuses allusions bibliques que ce soit de la part de Harry Powell et de Rachel Cooper ; prouvant si besoin était que l'on peut citer la Bible comme bon nous semble pour faire le bien comme le mal. Dès l'instant qu'on y fait référence, tout est permis, ce qui aveugle les Spoons, commerçants locaux qui emploient Willa, la mère des enfants, c'est le beau parleur qu'est Powell, prêcheur « vêtu comme un agneau mais qui est un loup féroce à l'intérieur » (méfiez-vous des faux prophètes etc.)
De la même façon, le film comme le roman est truffé de « Nursery (C)Rhymes », chansons enfantines devenues cruelles et pleine de sens et d'hymnes religieux célèbres aux USA : « Leaning in the Everlasting Arms » ; « Bringing in The Sheaves… » pour ne citer que ceux-ci.
Enfin, voilà un roman noir qui démontre que l'enfance et son innocence initiale est tuée dans l'oeuf par les conventions adultes dont la religion a sa part importante. Mais comme dit Rachel, la bonne fée : « Ils endurent. »